Violence matinale
Je suis trop lâche. T’es rien qu’une lâche, j’entends dire dans ma tête. Une petite chose mort-née, cachée, toute petite, recroquevillée à l’intérieur. Je ris en parlant de choses qui ne m’intéressent pas (…)
La plupart du temps, ce ne sont que des pensées futiles. La couleur des draps idéale pour illuminer la pièce, le foulard de soie, la veste en jean. J’attends mon salaire pour pouvoir commander en ligne. Tout ça en écoutant de la musique, unique échappatoire, et je plane au dessus de la foule qui pousse, qui pousse pour entrer dans le métro. Les gens soupirent pour cacher leurs cris.
Je ne me reconnais plus. Ni la petite rêveuse qui levait le nez en regardant les montgolfières, ni la gamine ambitieuse qui savait tout, du début à la fin — le commencement des choses, la direction, le sens — ni l’adolescente qui voulait la mer… J’ai tout perdu. L’appartement est sale est j’ai trop bu hier soir. Les seuls amis que j’ai? J’en ai peur parce qu’ils pourraient voir que la fille cool que je suis devenue a un poignard plongé dans le cœur. La façade ne tient plus.
En sortant du métro, ils font la queue pour monter sur l’escalator. Je ne comprends pas. On dirait du bétail de loin, mais un bétail pressé, un bétail ambitieux. Dans la rue, l’aube peint les bâtiments, tout est rose. C’est le printemps. Et un type jette des coups de pieds dans des cartons en sortant la poubelle. Il n’est sept heures du matin. Comment on en arrive à tirer des coups de pieds dans la rue, alors que la journée n’a même pas encore commencé?
Ça me fait toujours mal. Je dis aux gens que j’ai trouvé du travail et tout le monde me félicite: “C’est fantastique !” Je fais partie du système. Je peux aller au bar, payer ma propre bière. Je parle de coaching, de business, de fringues, de fitness. Mais une fois à la maison, vrai, j’en pleurerais parfois. Chaque fois, je me demande pourquoi je n’ai pas parlé des choses qui m’intéressent vraiment. Pourquoi je n’ai pas parlé de peinture? De ce monde que j’ai qui grouille à l’intérieur? D’arbres qui parlent, de musique et de mer. De petits personnages qui me suivent et me font toujours rire. Pourquoi je n’ai jamais osé expliquer pourquoi je lève toujours le nez quand le vent souffle? Pourquoi je n’ai pas montré les photos secrètes que je prends dans la rue et qui m’émeuvent tant? Pourquoi je n’ai jamais osé avouer à personne que ça me tue qu’on me félicite d’avoir trouvé du travail. J’avais un travail… C’était vivre. C’était de faire de chaque minute qu’on m’a offert une ode à la beauté d’ici. J’avais un travail. Celui de transmettre ça. De toucher les âmes, de les faire tressaillir de l’intérieur. De les réveiller à la vie. Ça ne paie pas? J’entends dire. Qui a dit que c’était impossible? “Qu’est-ce que tu fais dans la vie?” Je réveille les âmes.
Est-ce qu’elles sont vraiment mes amies si je n’ai encore jamais osé leur dire tout ça?
T’es rien qu’une lâche, j’entends dire dans ma tête. Une petite chose mort-née, cachée, toute seule, recroquevillée à l’intérieur. Je ris en parlant de choses qui ne m’intéressent pas, j’apprends à utiliser ce qui marche, je l’applique. Et le pire, c’est que ça fonctionne. J’ai le teint frais, on me complimente. Tu as perdu du poids, génial! Tu as l’air en forme. À l’intérieur je me meurs et je ne l’ai dis à personne.
J’aurais pu éviter tout ça. Il aurait suffit d’une réponse honnête, d’une seule pour que le fait d’avoir trouvé du travail me rende fière. Il aurait suffit que je dise: je me cherche, le jour où on m’a demandé ce que je faisais dans la vie.
Cette enfant qui rêvait tout, dis-moi? C’est elle qui veut écrire ce soir. Qu’a-t-elle fait pour que tu lui répètes à l’oreille: Tu ne peux pas. Incapable. Le temps passe, il est déjà trop tard. Il n’y a plus rien à vivre. Là… Allume la télé, endors-toi. Te montrer comme tu es? Mais regarde. Même toi tu ne lèves pas le regard, qu’y a donc t-il à voir? Rien. Et c’est ce que tu vaux alors ne te fais pas de mal. Reprends une clope, relax. Personne ne t’attend ce soir.
Ce n’est pas dans la rue, à sept heures du matin qu’on la trouve. La violence, elle est en moi. —
Lire aussi : Tu sais bien que ce sera moi, Journal (Tome IV), Julien Green.
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♡
Deux ans plus tard
À l’instant, belle. Sereine. Il y a une heure je sortais du métro et, en sueur, je pensais au mot « submergée ». Je trouve ça dur de ne pas se laisser aller. Ce soir, j’ai menti à tout le monde. (...)
À l’instant, belle. Sereine. Il y a une heure je sortais du métro et, en sueur, je pensais au mot « submergée ». Je trouve ça dur de ne pas se laisser aller. Ce soir, j’ai menti à tout le monde. J’ai dit que j’avais une formation et que par conséquent, je n’aurais pas le temps d’être là. Ni pour le volontariat, ni pour répondre aux messages, ni pour voir personne. En fait, ce qu’il s’est passé, c’est que je me suis offert un cadeau magnifique. Je suis rentrée à la maison, j’ai pris une douche, pleuré, me suis roulée en boule sur mon tapis de yoga, puis j’ai prié. Et enfin, j’ai trouvé ce moment. Ce moment sacré où personne ne sait où je suis. Où je peux simplement être et écrire (mes deux verbes préférés). Et je n’abandonne rien. Ni l’envie d’aimer, ni la force de vaincre, ni le secret désir d’être écoutée. Mais je me laisse guider. Juste quelques heures. Je laisse la lumière décider.
On ne m’avait pas dit que j’aurais à vendre du pain. Ou à traverser la ville à pied. Ou à attendre si longtemps avant de voir mes rêves se réaliser. Mais j’ai aussi compris quelque chose: peu importe si je ne peux me payer l’appareil photo pour le moment. Ce dont mon âme rêve, c’est de faire partie du tout, d’être absorbée. De tout voir, tout sentir: au milieu d’une foule comme en pleine forêt. Mon âme crie de douleur quand je reste enfermée. Ce n’est pas la ville qui m’étouffe, c’est de ne pas avoir l’opportunité d’en voir tous les aspects. C’est de ne pas regarder les gens, me mêler à eux, voir les sourires, les moments. J’aurais aimé que tu vois ça l’autre jour. Il y avait un couple dans la rue, deux jeunes qui avaient tout juste la vingtaine et déjà deux enfants. Le mari était en chaise roulante, et les deux petits s’y étaient installés aussi, l’un sur ces genoux, l’autre sur le repose-pieds, entre ses jambes et ils avaient tous l’air si joyeux. Ils riaient aux éclats en mangeant des glaces… Si j’avais eu cet appareil photo, clic. Tu aurais du voir leur joie, Lidy, mêlée aux rayons du soleil. La scène m’a émue.
Enfin, les moyens manquent, mais mes circonstances ne peuvent pas m’arrêter. Elles n’influencent ni mon humeur ni ma détermination à capturer la beauté du monde. J’ai fait un pacte avec moi-même, et avec ma mère il y a longtemps. La vie est belle, et je le prouverai. —
♡
Morning violence
‘You're nothing but a coward’, I hear myself saying. A stillborn thing, hidden, all alone, curled up inside. I laugh when I talk about things that don't interest me (…)
Most of the time, they are just frivolous thoughts. The perfect sheet color to brighten the room, the silk scarf, the denim jacket. I'm waiting for my paycheck to place an order online. All this while listening to music, my only escape, and I float above the crowd pushing and shoving to get on the Tube. People sigh to stifle their cries.
I don't recognise myself anymore. I am nor the dreamy little girl who used to gaze up to chase the hot air balloons, nor the ambitious kid who knew everything, from beginning to end — the start of things, the direction, the meaning — nor the teenager who longed for the sea… I've lost everything. The apartment is filthy, and I drank too much last night. The only friends I have? I'm afraid of them because they might see that the cool girl I've become has a dagger plunged in her heart. The facade is no longer holding up.
As they come out the train, they queue up to get on the escalator. I don't understand. From a distance, they look like livestock, but an ambitious livestock, in a hurry. In the street, dawn paints the buildings pink; everything is pretty. It's spring. And a guy is kicking cardboard boxes while taking out the trash. It's not even seven in the morning. How do you get to the point of kicking things in the street when the day hasn't even started yet?
It always hurts. I tell people I found a job and everyone congratulates me: “That’s fantastic!” Yay, I’m part of the system. I can go to the bar and pay for my own beer. I talk about coaching, business, clothes, fitness. But once I’m home, sometimes, I swear I could cry. Every time, I wonder why I didn’t talk about the things that really interest me. Why didn’t I talk about painting? About this world I have teeming inside? About talking trees, music, and the sea. About the little characters that follow me everywhere in my imagination and always make me laugh. Why have I never dared to explain why I always lift up my nose when the wind blows? Why haven’t I shown the secret photos I take in the street that move me so deeply? Why have I never dared to admit to anyone that it kills me when people congratulate me on finding a job? I had a job… It was living. It was about making every minute I had been given an ode to the beauty of this world. I had a job: to convey that. To touch souls, to stir them from within. To awaken them to life. ‘It doesn't pay?’ I hear people say. Who said it was impossible? ‘What do you do for a living?’ I awaken souls.
Are they really my friends if I've never dared to tell them all this?
‘You're nothing but a coward’, I hear myself saying. A stillborn thing, hidden, all alone, curled up inside. I laugh when I talk about things that don't interest me, I learn to use what works, I apply it. And the worst part of it, is that it works. My complexion is fresh, I get compliments. ‘You've lost weight, that’s great! You look awesome.’ Inside, I'm dying, and I haven't told anyone.
I could have avoided all of this. All it would have taken was one honest answer, just one, for me to be proud of having found a job. All I would’ve had to say was ‘I'm figuring things out’ the day someone asked me what I did in life.
This child who dreamed of everything, tell me? She's the one who wants to write tonight. What did she do to make you whisper in her ear: You can't. Incapable. Time passes, it's already too late. There's nothing left to live for. There… Turn on the TV, go to sleep. Show yourself as you are? But look. Even you don't look at people in the eyes, so what is there to see? Nothing. And that's what you're worth, so don't hurt yourself. Have another cigarette, relax. Nobody's waiting for you tonight.
You don't find it in the street at seven in the morning. The violence is inside me. —
Read as well You know well it will be me, Journal (Vol. IV), Julien Green.
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L’attrapeur de rêves
Un poème sur le deuil.
Enfant de la lune, et des étoiles,
Cheveux d’ébène au teint pâle,
Ça fait longtemps que tu marches,
Que tu parcours le chemin.
N’auras-tu pas le mal du pays un matin?
On s’inquiète trop des ciels qui ne répondent pas.
Les étoiles continuent d’être,
Même si de jour, on ne les voit pas.
Les soirs d’été, on entend rire,
Son de clochette.
Sortie de nulle part, une voix espiègle:
Dors, ce soir, sois tranquille.
Cette fois c’est moi qui te regarderai dormir.
Et le mirage, c’était d’apercevoir un garçon sauter dans les jardins,
Faire signe.
N’aie pas peur,
Si tu te lèves demain,
Avec mon nom à l’intérieur.
Cette intuition,
C’était juste moi, qui, un instant,
Voulait rentrer à la maison. —
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Imparfaite
(Texte original: Anglais — traduction à la fin ↓↓↓)
Imperfect
I can read them
Again and again,
A thousand times on hand,
They won’t get any better
Or any worse.
They are what they are,
Poems,
Or better said:
I was born with these chains.
So I either touch the paper
And keep the thread,
Accept that who I was is who I am
Or I bleach it all,
Kill everything,
Make art as pure as souless
And be liked, at best.
I don’t recognise my voice
When I believe they stare,
I can’t give anything
If I still think: “I want to help”.
Be foolish, and expose myself?
And hope that this nauseating fear
Will let me breathe
Now and then?
Or wait.
Re-read, erase.
Do it all again.
Serve coffee, be safe
Until I leave this mortal shell.
I thought that
How bad I wanted this
Was useless to mention
So be brave,
Feel it:
There was a purpose to this imperfection. —
Imparfaite
Inspiré d’une phrase de Brianna Wiest, dans son livre: The Pivot Year
Mille fois,
Je peux les lire.
Encore et encore,
Les chuchoter,
Ou les fuir:
Ils ne s'amélioreront pas,
Ni ne seront pire.
Ils sont ce qu'ils sont,
Des poèmes.
Ou mieux dit encore:
Je suis née avec ces chaînes.
De deux choses l’une:
Soit je touche le papier,
Et je garde le fil,
J’accepte que celle que j'étais hier,
Dans celle que je suis, respire.
Ou bien je blanchis tout,
Je tue,
Je fais de l'art aussi pur que sans âme
Et dans le meilleur des cas, on applaudit.
Je ne reconnais pas ma voix
Quand je crois qu'ils me fixent;
Je ne peux rien donner de bon
Si je veux “aider”, réjouir.
Perdre les pédales, alors, et m'exposer ?
En espérant que cette peur nauséabonde
De temps en temps,
Me laissera respirer ?
Ou attendre.
Relire, effacer.
Tout recommencer.
Servir du café, en silence,
Faire la vaisselle,
Jusqu'à ce que je quitte cette enveloppe mortelle?
J'ai pensé que,
À quel point je voulais tout ça
Était clair.
Alors il faut le sentir, pour de bon,
Vivre avec :
Il y avait un but à cette imperfection. —
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La rose
Un poème sur le deuil, que j’ai focalisé sur Marie pour que ce soit moins dur d’en parler.
Qu’est-ce qu’on pose
Aux pieds d’une mère
Qui a perdu son enfant?
Qu’est-ce qu’on dit?
Qu’est-ce qu’on chante?
Quelle douleur pourrait égaler
La tienne
Pour que je sente?
Pour que je ne te laisse pas seule
Dans ta détresse
Pour qu’un ciel d’orage se déchaine
Et suffise, enfin,
À égaler ta peine…
J’ai levé les yeux,
Dans les sables du désert
Je t’ai vu,
Sous ton voile,
Les joues maculées de terre,
Suppliant ;
Tu aurais pleuré du sang
Si on t’avait laissé faire.
Perdre un enfant,
C’est se faire amputer.
La vie n’a d’égale que sa propre cruauté.
C’est gonfler ses poumons
Et se demander
Pourquoi on est en bonne santé.
Je n’avais rien à t’offrir,
Maman,
Alors je t’ai regardé.
J’ai pleuré avec toi et,
Ridicule dans sa nudité,
C’est une rose
Que j’ai posé à tes pieds. —
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Violence matinale
Je suis trop lâche. T’es rien qu’une lâche, j’entends dire dans ma tête. Une petite chose mort-née, cachée, toute petite, recroquevillée à l’intérieur. Je ris en parlant de choses qui ne m’intéressent pas (…)
La plupart du temps, ce ne sont que des pensées futiles. La couleur des draps idéale pour illuminer la pièce, le foulard de soie, la veste en jean. J’attends mon salaire pour pouvoir commander en ligne. Tout ça en écoutant de la musique, unique échappatoire, et je plane au dessus de la foule qui pousse, qui pousse pour entrer dans le métro. Les gens soupirent pour cacher leurs cris.
Je ne me reconnais plus. Ni la petite rêveuse qui levait le nez en regardant les montgolfières, ni la gamine ambitieuse qui savait tout, du début à la fin — le commencement des choses, la direction, le sens — ni l’adolescente qui voulait la mer… J’ai tout perdu. L’appartement est sale est j’ai trop bu hier soir. Les seuls amis que j’ai? J’en ai peur parce qu’ils pourraient voir que la fille cool que je suis devenue a un poignard plongé dans le cœur. La façade ne tient plus.
En sortant du métro, ils font la queue pour monter sur l’escalator. Je ne comprends pas. On dirait du bétail de loin, mais un bétail pressé, un bétail ambitieux. Dans la rue, l’aube peint les bâtiments, tout est rose. C’est le printemps. Et un type jette des coups de pieds dans des cartons en sortant la poubelle. Il n’est sept heures du matin. Comment on en arrive à tirer des coups de pieds dans la rue, alors que la journée n’a même pas encore commencé?
Ça me fait toujours mal. Je dis aux gens que j’ai trouvé du travail et tout le monde me félicite: “C’est fantastique !” Je fais partie du système. Je peux aller au bar, payer ma propre bière. Je parle de coaching, de business, de fringues, de fitness. Mais une fois à la maison, vrai, j’en pleurerais parfois. Chaque fois, je me demande pourquoi je n’ai pas parlé des choses qui m’intéressent vraiment. Pourquoi je n’ai pas parlé de peinture? De ce monde que j’ai qui grouille à l’intérieur? D’arbres qui parlent, de musique et de mer. De petits personnages qui me suivent et me font toujours rire. Pourquoi je n’ai jamais osé expliquer pourquoi je lève toujours le nez quand le vent souffle? Pourquoi je n’ai pas montré les photos secrètes que je prends dans la rue et qui m’émeuvent tant? Pourquoi je n’ai jamais osé avouer à personne que ça me tue qu’on me félicite d’avoir trouvé du travail. J’avais un travail… C’était vivre. C’était de faire de chaque minute qu’on m’a offert une ode à la beauté d’ici. J’avais un travail. Celui de transmettre ça. De toucher les âmes, de les faire tressaillir de l’intérieur. De les réveiller à la vie. Ça ne paie pas? J’entends dire. Qui a dit que c’était impossible? “Qu’est-ce que tu fais dans la vie?” Je réveille les âmes.
Est-ce qu’elles sont vraiment mes amies si je n’ai encore jamais osé leur dire tout ça?
T’es rien qu’une lâche, j’entends dire dans ma tête. Une petite chose mort-née, cachée, toute seule, recroquevillée à l’intérieur. Je ris en parlant de choses qui ne m’intéressent pas, j’apprends à utiliser ce qui marche, je l’applique. Et le pire, c’est que ça fonctionne. J’ai le teint frais, on me complimente. Tu as perdu du poids, génial! Tu as l’air en forme. À l’intérieur je me meurs et je ne l’ai dis à personne.
J’aurais pu éviter tout ça. Il aurait suffit d’une réponse honnête, d’une seule pour que le fait d’avoir trouvé du travail me rende fière. Il aurait suffit que je dise: je me cherche, le jour où on m’a demandé ce que je faisais dans la vie.
Cette enfant qui rêvait tout, dis-moi? C’est elle qui veut écrire ce soir. Qu’a-t-elle fait pour que tu lui répètes à l’oreille: Tu ne peux pas. Incapable. Le temps passe, il est déjà trop tard. Il n’y a plus rien à vivre. Là… Allume la télé, endors-toi. Te montrer comme tu es? Mais regarde. Même toi tu ne lèves pas le regard, qu’y a donc t-il à voir? Rien. Et c’est ce que tu vaux alors ne te fais pas de mal. Reprends une clope, relax. Personne ne t’attend ce soir.
Ce n’est pas dans la rue, à sept heures du matin qu’on la trouve. La violence, elle est en moi. —
Lire aussi : Tu sais bien que ce sera moi, Journal (Tome IV), Julien Green.
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Violencia matutina
No eres más que una cobarde, oigo decir en mi cabeza. Una cosita muerta al nacer, escondida, sola, acurrucada en su interior. Me río hablando de cosas que no me interesan, (…)
La mayoría de las veces, son pensamientos frívolos. El color ideal de sábanas para iluminar la habitación, el pañuelo de seda, la chaqueta vaquera. Estoy esperando a cobrar para poder hacer un pedido por Internet. Y todo ello mientras escucho música, mi única escapatoria, y floto por encima de la multitud que empuja, empuja para entrar en el metro. La gente suspira para ahogar sus gritos.
No me reconozco. Ya no soy la niña soñadora que levantaba la nariz al cielo buscando los globos aerostáticos, ni la mocosa ambiciosa que lo sabía todo, de principio a fin — el comienzo, la dirección, el significado de las cosas — ni la adolescente que anhelaba tanto el mar… Lo he perdido todo. El piso está hecho un desastre y anoche bebí demasiado. ¿Mis únicas amigas? Les tengo miedo porque podrían ver que la chica guay en la que me he convertido tiene un puñal clavado en el corazón. La fachada ya no se aguanta.
Al salir del metro, hacen cola para subir por la escalera mecánica. No lo entiendo. Desde lejos, parecen ganado, pero un ganado con prisa, un ganado ambicioso. En la calle, el amanecer pinta los edificios de rosa. Es primavera. Y un tipo tira patadas a unas cajas de cartón mientras saca la basura. Son las siete de la mañana. ¿Cómo se llega a dar patadas en la calle, cuando el día ni siquiera ha empezado?
Siempre me duele. Le digo a la gente que he encontrado trabajo y todos me felicitan: «¡Es fantástico!». Formo parte del sistema. Puedo ir al bar y pagar mi propia cerveza. Hablo de coaching, de negocios, de ropa, de fitness. Pero una vez en casa, la verdad, a veces tengo ganas de llorar. Cada vez me pregunto por qué no he hablado de las cosas que realmente me interesan. ¿Por qué no he hablado de pintura? ¿De ese mundo que bulle dentro de mí? De árboles que hablan, de música y del mar. De pequeños personajes que imagino y siempre me hacen reír. ¿Por qué nunca me he atrevido a explicar por qué siempre levanto la nariz cuando sopla el viento? ¿Por qué no he mostrado las fotos secretas que hago en la calle y que tanto me emocionan? ¿Por qué nunca me he atrevido a confesar a nadie que me mata que me feliciten por haber encontrado trabajo? Yo tenía un trabajo... Era vivir. Era hacer de cada minuto que se me ofrece una oda a la belleza del mundo. Tenía un trabajo. El de transmitir esto. El de tocar las almas, hacerlas estremecerse por dentro. El de despertarlas a la vida. ¿No paga? Es lo que me dicen. ¿Pero quién dijo que era imposible?
«¿A qué te dedicas?». A despertar las almas.
¿Realmente son mis amigas si nunca me he atrevido a contarles todo esto?
No eres más que una cobarde, oigo decir en mi cabeza. Una cosita muerta al nacer, escondida, sola, acurrucada en su interior. Me río hablando de cosas que no me interesan, aprendo a usar lo que funciona y lo aplico. Y lo peor es que… funciona. Tengo buen aspecto ahora, me hacen cumplidos. «¡Has adelgazado, qué bien! Estás hermosa». Por dentro me estoy muriendo y no se lo he dicho a nadie.
Podría haber evitado todo esto. Bastaba con una respuesta sincera, una sola, para que el hecho de haber encontrado trabajo me hiciera sentir en paz. Bastaba con: «Estoy buscando mi camino», el día que me preguntaron a qué me dedicaba.
¿Esa niña que soñaba con todo, dime? Es ella quien quiere escribir esta noche. ¿Qué ha hecho para que le repitas constantemente al oído: No puedes. Incapaz. El tiempo pasa, ya es demasiado tarde. No hay nada más que vivir. Ahí... Enciende la tele, duérmete. ¿Mostrarte tal y como eres? Pero mira. Ni siquiera tú levantas la mirada, ¿qué hay que ver? Nada. Y eso es lo que vales, así que no te hagas daño. Tómate otro cigarrillo, relájate. Nadie te espera esta noche.
No es en la calle, a las siete de la mañana, donde se encuentra. La violencia está dentro de mí. —
Leer también Sabes bien que seré yo, Diario (vol. IV), Julien Green.
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Un an plus tard
À l’instant, belle. Sereine. Il y a une heure je sortais du métro et, en sueur, je pensais au mot « submergée ». Je trouve ça dur de ne pas se laisser aller. Ce soir, j’ai menti à tout le monde. (...)
À l’instant, belle. Sereine. Il y a une heure je sortais du métro et, en sueur, je pensais au mot « submergée ». Je trouve ça dur de ne pas se laisser aller. Ce soir, j’ai menti à tout le monde. J’ai dit que j’avais une formation et que par conséquent, je n’aurais pas le temps d’être là. Ni pour le volontariat, ni pour répondre aux messages, ni pour voir personne. En fait, ce qu’il s’est passé, c’est que je me suis offert un cadeau magnifique. Je suis rentrée à la maison, j’ai pris une douche, pleuré, me suis roulée en boule sur mon tapis de yoga, puis j’ai prié. Et enfin, j’ai trouvé ce moment. Ce moment sacré où personne ne sait où je suis. Où je peux simplement être et écrire (mes deux verbes préférés). Et je n’abandonne rien. Ni l’envie d’aimer, ni la force de vaincre, ni le secret désir d’être écoutée. Mais je me laisse guider. Juste quelques heures. Je laisse la lumière décider.
On ne m’avait pas dit que j’aurais à vendre du pain. Ou à traverser la ville à pied. Ou à attendre si longtemps avant de voir mes rêves se réaliser. Mais j’ai aussi compris quelque chose: peu importe si je ne peux me payer l’appareil photo pour le moment. Ce dont mon âme rêve, c’est de faire partie du tout, d’être absorbée. De tout voir, tout sentir: au milieu d’une foule comme en pleine forêt. Mon âme crie de douleur quand je reste enfermée. Ce n’est pas la ville qui m’étouffe, c’est de ne pas avoir l’opportunité d’en voir tous les aspects. C’est de ne pas regarder les gens, me mêler à eux, voir les sourires, les moments. J’aurais aimé que tu vois ça l’autre jour. Il y avait un couple dans la rue, deux jeunes qui avaient tout juste la vingtaine et déjà deux enfants. Le mari était en chaise roulante, et les deux petits s’y étaient installés aussi, l’un sur ces genoux, l’autre sur le repose-pieds, entre ses jambes et ils avaient tous l’air si joyeux. Ils riaient aux éclats en mangeant des glaces… Si j’avais eu cet appareil photo, clic. Tu aurais du voir leur joie, Lidy, mêlée aux rayons du soleil. La scène m’a émue.
Enfin, les moyens manquent, mais mes circonstances ne peuvent pas m’arrêter. Elles n’influencent ni mon humeur ni ma détermination à capturer la beauté du monde. J’ai fait un pacte avec moi-même, et avec ma mère il y a longtemps. La vie est belle, et je le prouverai. —
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Un año más tarde
En este instante, preciosa. En paz. Hace una hora, bajaba del metro y, sudando, meditaba sobre la palabra "agobiada". Me cuesta no dejarme llevar últimamente. Esta noche les mentí a todos. (…)
En este instante, preciosa. En paz. Hace una hora, bajaba del metro y, sudando, meditaba sobre la palabra "agobiada". Me cuesta no dejarme llevar últimamente. Esta noche les mentí a todos. Dije que tenía una formación y, por lo tanto, no tendría tiempo para estar allí. Ni para hacer voluntariado, ni para contestar mensajes, ni para ver a nadie. Lo que pasó es que me hice un regalo precioso. Llegué a casa, me duché, lloré, me acurruqué en mi esterilla de yoga y recé. Finalmente, encontré este momento. Momento sagrado donde nadie sabe dónde estoy. Donde simplemente puedo ser y escribir (mis dos verbos favoritos). Y no renuncio a nada, ¿sabes? Ni a la ansia de amar, ni a la fuerza para vencer, ni al secreto deseo de ser escuchada. Pero me dejo guiar. Por unas horas, dejo que la luz decida.
Nadie me había dicho que tendría que vender pan. O cruzar la ciudad a pie. O esperar tanto para ver mis sueños convertirse en arte. Pero también entendí algo: no importa si por ahora no puedo comprarme la cámara. Lo que mi alma anhela es formar parte del todo, ser absorbida. Verlo todo, sentirlo todo: en medio de una multitud como en un bosque. Mi alma llora de dolor cuando estoy encerrada. No es la ciudad lo que me ahoga, es el no tener la oportunidad de ver todos sus aspectos. Es no mirar a la gente, mezclarme con ellos, ver las sonrisas, los momentos. Me hubiera gustado que lo vieras el otro día... Había una pareja en la calle, dos jóvenes de apenas veinte años y ya con dos hijos. El hombre estaba en silla de ruedas y los dos pequeños también se habían sentado allí, uno en sus rodillas y el otro en el reposapiés, entre sus piernas, y todos parecían tan felices. Se reían mientras comían helados. Si hubiera tenido una cámara… Clic. Tendrías que haber visto su alegría, Lidy, mezclada con los rayos del sol. La escena me emocionó.
En fin, carezco de medios, pero mis circunstancias no pueden detenerme. No influyen ni en mi estado de ánimo ni en mi determinación por capturar la belleza del mundo. Hace mucho tiempo hice un pacto conmigo misma y con mi madre. La vie est belle — la vida es bella — y lo demostraré. —
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A year later
Right now, beautiful. At peace. An hour ago I was getting off the subway and, sweating, I was meditating on the word "overwhelmed." I find it hard not to let myself go lately. Tonight, I lied to everyone. (…)
Right now, beautiful. At peace. An hour ago I was getting off the subway and, sweating, I was meditating on the word "overwhelmed." I find it hard not to let myself go lately. Tonight, I lied to everyone. I said I had training and therefore wouldn't have time to be there. Not for volunteering, not to answer messages, not to see anyone. In fact, what happened is that I offered myself a wonderful gift. I came home, took a shower, cried, curled up on my yoga mat, and prayed. Finally, I found this moment. This sacred moment where no one knows where I am. Where I can simply be and write (my two favorite verbs). And I give up nothing. Neither the desire to love, nor the strength to win, nor the secret desire to be heard. But I let myself be. Guided. Just a few hours. I let the light decide for me.
No one told me I’d have to sell bread. Or walk across the whole city. Or wait so long to see my dreams become a reality. But I also understood something: it doesn't matter if I can't afford the camera right now. What my soul longs for is being part of the whole, being absorbed. To see everything, feel everything, in the middle of a crowd as in the midst of a forest. My soul cries out in pain when I stay in. It's not the city that suffocates me, it's not having the opportunity to see every aspects of it. Not looking at people, mingling with them, witnessing the smiles, the moments. I wish you had seen this, the other day. There was a couple in the street, two young people in their early twenties with two children already. The young man was in a wheelchair, and the two little ones were sitting there too ; one on his lap, the other on the footrest between his legs, and they all looked so happy. They were laughing, eating ice cream. If I'd had my camera… Click. You should have seen their joy, Lidy, mingled with the sunlight. The scene moved me.
Anyway, I lack the means, but my circumstances can't stop me. They don't affect my mood or my determination to capture the beauty of the world. I made a pact with myself, and with my mum, a long time ago. La vie est belle — life is beautiful — and I'm going to prove it. —
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Je suis
(Texte original: Anglais — traduction à la fin ↓↓↓)
I am
I am
As a tree is
At sunset,
A golden stream.
In the depths of doubt
A rock without shield
I am
The space in between
A warrior in spirit
A thousand years-old
An ever looking soul
I am
Only to be found
In the quiet and the now
And when I look for myself
In pain, hurry or blind
I know that coming back
To where I stand now,
Forever more
I am who I am. —
Je suis
Je suis
Tout comme un arbre est aussi
Au coucher du soleil,
Une rivière d’or.
Au fond du doute,
Sans armure, un roc.
Je suis
L’espace entre les pensées.
En esprit, un guerrier.
J’ai l’âme d’un être de mille ans,
Toujours en recherche
De quelque chose de plus grand.
Je suis
Toujours cachée
Dans le calme,
Dans l’ici et le maintenant.
Et quand je suis perdue,
Que je me cherche partout,
Aveuglée par la douleur et pressée, pour tout
Je sais que si je reviens à moi-même,
Là où je me trouve, ici,
Au fond,
Pour la vie:
Je suis celle qui suis. —
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#15 — La dimisión
Pasaron los tres meses y no escribí ni una línea (al menos, ninguna que mereciera la pena publicar). Volví con las manos vacías, pero no me rindo así. Insistí, lo intenté de nuevo (…)
Por un momento, realmente creí que lo que sentía era alivio. Se acabó con los contadores, los días sola, desesperadamente sola contra el mundo, la gente, el tiempo… «Me voy». Por fin pude decirlo en voz alta. Y, oh, qué alegría...
Pero ahora... ¿Qué?
La primera semana, claro, fue todo salir, ir a la playa, tomar cafés en terrazas, acompañada de Nietzsche, Marco Aurelio, Hannah Arendt. Un barrio diferente cada día. Ahora podía hacerlo: ya no tenía miedo. Conocía Barcelona como la palma de mi mano.
Pero ahora... ¿Qué?
Tenía suficientes ahorros para no tener que trabajar hasta finales de año. Podía cumplir mi sueño: irme a Francia, donde pasaría tres meses en la casa de campo de mis padres. La naturaleza, el silencio, la soledad. El retiro perfecto para un escritor que quiere terminar un libro.
Pero ahora... ¿Qué?
Estaban las vacas, bien. Y el silencio. Tanto silencio, de hecho, que no conseguía concentrarme. Y luego estaba la idea de la novela, que llevaba tres años dormida en mi interior. Pero, con o sin trabajo, me enfrentaba a la página en blanco, y el vértigo me hizo bailar durante un buen rato. ¿Qué más tenía que decir aquí, en Francia, o en Suiza, o en cualquier otro lugar, que no pudiera en mi casa?
Sin embargo, todas las historias de éxito comenzaron así... «Lo dejé todo», «estaba en paro», «sufrí un fracaso tras otro, hasta que...». Jack London o J. K. Rowling comenzaron así...
Pero ahora... ¿Qué?
Empecé a tener mucho miedo. ¿Quizás no tenía nada que decir al mundo? Quería hacer hablar a los árboles, a la música, y dar voz a todo lo que normalmente no se oye, pero creo que allí, al pie de las montañas, me di cuenta de que ni siquiera conocía el sonido de mi propia voz.
Pasaron los tres meses y no escribí ni una línea (al menos, ninguna que mereciera la pena publicar). Volví con las manos vacías, pero no me rindo así. Insistí, lo intenté de nuevo, luché contra el bloqueo creativo, el miedo y todos los demonios que se despiertan cuando finalmente te enfrentas a tu propia profundidad, pero fue inútil. Tres meses después, de nuevo, me encontraba en el punto de partida: sin manuscrito, sin trabajo y habiendo gastado todos mis ahorros.
Parece que los sabios, en fin, sabían de qué hablaban: hay un tiempo para todo, y todo llega en su tiempo.¹ —
¹ : Eclesiastés 3.
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#15 - The resignation
Three months passed, and I didn't write a single line (not one worth publishing, at least). I came home empty-handed, but it takes more than that to put me down. So I kept trying (…)
or ‘False start’
For a moment, I really thought it was relier I was feeling. No more gas meters, no more jerks, no more days alone, desperately alone, fighting against everything: people, fate, weather. ‘I quit!’ Finally, I could say it out loud! And oh, what joy…
But now… What?
The first week, of course, it was all about going out to the beach or for coffees, accompanied by Nietzsche, Marcus Aurelius, or Hannah Arendt. And a different neighbourhood every day, why not? I could do it now: I wasn't afraid anymore. I knew Barcelona like the back of my hand.
But now… What?
I had enough savings not to have to work again until the end of the year. I could fulfill my dream: go to France, where I would spend three months at my parents' country house. Nature, silence, solitude. The perfect writer's retreat.
But now… What?
There were the cows, indeed. And the silence. So much silence, in fact, I couldn't focus very well. And then there was my idea for the novel, which had been sleeping within me for the past three years. But employed or not, I was facing a blank page, and the vertigo made me reel for quite a while. What more could I possibly say here, in France, or in Switzerland, or anywhere else for that matter, than I had at home?
Yet, all success stories began like this… “I gave up everything,” “I was unemployed,” “I suffered failure after failure, until…” Jack London, or J.K. Rowling, started like this…
But now… What?
I started to get really scared. Maybe there was nothing in me? I wanted to make the trees, and the music speak, and give a voice to everything we don't usually hear, but I realised, up there, at the foot of the mountains, that I didn't even know the sound of my own voice.
Three months passed, and I didn't write a single line (not one worth publishing, at least). I came home empty-handed, but it takes more than that to put me down. So I kept trying, I persisted, fought against the blank page and all the demons that awaken when you finally confront yourself with your own fears, but it was all in vain. Three months later, again, I was back to square one: no manuscript, no job, and I'd spent all my savings.
I guess the wise have known this for a long time: there is a time for everything, and everything comes in its own time. ¹ —
¹ : Ecclesiastes 3
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#15 - La démission
Les trois mois ont passé, je n’ai pas écrit une ligne (aucune qui vaille la peine d’être publiée, en tous cas). Je suis rentrée bredouille, mais il m’en faut plus pour abandonner. J’ai insisté, essayé à nouveau (…)
ou “Le faux départ”
Pendant un moment, j’ai vraiment cru que c’était du soulagement que je ressentais. Fini les compteurs, fini les cons, fini les journées seule, désespérément seule à lutter contre tout, les gens, le sort, la météo. “Je donne ma dem’” Enfin, j’ai pu le dire à haute voix! Et oh, quelle joie…
Mais maintenant… Quoi?
La première semaine, bien sûr, c’était sortir, aller à la plage, boire des cafés en terrasse, accompagnée de Nietzsche, de Marc Aurèle, d’Hannah Arendt. Un quartier différent par jour. Je pouvais maintenant: je n’avais plus peur. Je connaissais Barcelone par cœur.
Mais maintenant… Quoi?
J’avais suffisamment d’économies pour ne plus avoir à travailler jusqu’à la fin de l’année. Je pouvais réaliser mon rêve: partir pour la France, où je passerai trois mois dans la maison de campagne de mes parents. La nature, le silence, la solitude. La retraite d’écrivain parfaite, en somme.
Mais maintenant… Quoi?
Il y avait les vaches, c’est sûr. Et le silence. Tellement de silence, en fait, que je n’arrivais pas à me concentrer. Et puis l’idée du roman, qui dormait en moi depuis trois ans. Mais employée ou non, j’étais face à la page blanche, et le vertige me fit valser un bon moment. Qu’est-ce que j’avais à dire de plus ici, en France, ou en Suisse, ou n’importe où d’ailleurs, que je n’en avais à dire chez moi?
Pourtant, toutes les success story commençaient comme ça… “J’ai tout abandonné”, “j’étais au chômage”, “j’essuyais échec sur échec, jusqu’à ce que…” Jack London, ou J.K. Rowling avait commencé comme ça…
Mais maintenant… Quoi?
J’ai commencé à avoir très peur. Peut-être qu’il n’y avait rien, en fait? Je voulais faire parler les arbres, et la musique, et donner une voix à tout ce qu’on n’entend pas d’ordinaire, mais je crois que je me suis rendue compte, là-bas, au pied des montagnes, que je ne connaissais même pas le son de ma propre voix.
Les trois mois ont passé, je n’ai pas écrit une ligne (aucune qui vaille la peine d’être publiée, en tous cas). Je suis rentrée bredouille, mais il m’en faut plus pour abandonner. J’ai insisté, essayé à nouveau, lutté contre la page blanche, la peur et tous les démons qui se réveillent quand on fait finalement face à sa propre profondeur, mais c’était inutile. À nouveau, trois mois plus tard, je me retrouvais à la case départ: sans manuscrit, sans travail et j’avais dépensé toutes mes économies.
Il faut croire que les sages le savaient depuis longtemps: il y a un temps pour tout, et chaque chose en son temps. ¹ —
¹ : L’Ecclésiaste, 3.
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#14 - Empezar de nuevo
Por un momento, realmente creí que lo que sentía era alivio. Parecía un nuevo comienzo, había motivos para estar orgullosa. (…)
Por un momento, realmente creí que lo que sentía era alivio.
Parecía un nuevo comienzo, había motivos para estar orgullosa.
Pero esta cosa que me come por dentro... No hay duda.
Estaba paralizada por el miedo.
Es normal, hay que estar un poco loco para renunciar a todo sin ninguna garantía.
¿Pero nunca te diste cuenta?
Las cosas importantes siempre se hallan al otro lado del miedo. —
Ver la película El show de Truman…
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#14 - Nouveau départ
Pendant un moment, j’ai vraiment cru que c’était du soulagement que je ressentais. Ça ressemblait à un nouveau départ, il y avait de quoi être fière. (…)
Pendant un moment, j’ai vraiment cru que c’était du soulagement que je ressentais.
Ça ressemblait à un nouveau départ, il y avait de quoi être fière.
Mais cette chose qui me grignote de l’intérieur… Pas de doute.
J’étais tétanisée par la peur.
C’est normal, il faut être un peu fou pour renoncer à tout, sans la moindre assurance.
Mais tu n’as jamais remarqué?
Les choses importantes se cachent toujours de l’autre côté de la peur.
Voir le film Le show de Truman…
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#14 - Starting over
For moment, I really thought it was relief I was feeling. It felt like a new beginning, I had all the reasons to feel proud, right? (…)
For moment, I really thought it was relief I was feeling.
It felt like a new beginning, I had all the reasons to feel proud, right?
But this thing eating me from the inside… No doubt.
I was terrified.
It’s normal. One might be a little crazy to give up everything, without any assurance.
But have you ever noticed?
The best of things are always on the other side of fear. —
See the movie The Truman Show…
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Le signe
(Texte original: Anglais — traduction à la fin ↓↓↓)
The sign
It’s like a shadow over me.
It rains on me.
Acid rain,
Guilt in its very essence
I feel them looking,
And I wish they’d stop.
It’s too much,
Holding their gaze and hear her breath
Whispering again
That I survived.
I survived.
There must be something I need to do in return.
You understand, I cannot sleep anymore.
I cannot look at the sky in awe,
And wish,
And wait
For a grand sign.
I’m alive.
I am the sign. —
Le signe
C'est comme une ombre sur moi.
Qui tombe sur mes épaules.
Une pluie acide, une grêle,
La culpabilité dans son essence même.
Je sens qu'ils regardent, qu’ils se taisent
Et j'aimerais qu'ils arrêtent.
C'est trop,
Je retiens leur regard et je l'entends, elle,
Chuchoter à nouveau
Que j'ai survécu.
J'ai survécu.
Il doit y avoir quelque chose que je dois faire en retour, non?
Tu comprends, je ne peux plus dormir.
Je ne peux plus regarder vers le haut, stupéfaite,
Et prier,
Et attendre du ciel
Un grand signe.
Je suis vivante.
Je suis le signe. —
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#13 — El globo azul (la historia)
Es difícil ser muy pequeño porque la gente es cruel. «Ves, hijo, le decía un padre a su niño el otro día, mientras los tres esperábamos el ascensor. Esfuérzate en los estudios, si no, acabarás como ella». Oscar Wilde decía (…)
Es difícil ser muy pequeño porque la gente es cruel.
«Ves, hijo, le decía un padre a su niño el otro día, mientras los tres esperábamos el ascensor. Esfuérzate en los estudios, si no, acabarás como ella».
Oscar Wilde decía: «Me niego a entrar en una batalla intelectual con un hombre desarmado». Así que guardé mi libro en mi bolsillo y me callé.
Es un poco cada día, decía mi profesor de teatro en Francia. Cuando tienes un objetivo en la vida, tienes que dedicarle un poco de tiempo cada día. Y menospreciar a la gente es un deporte como cualquier otro, al fin y al cabo.
Un martes, temprano por la tarde, en julio. Hacía mucho calor (¡37 °C!) y el verano apenas comenzaba. Había pasado el día subiendo y bajando escaleras (entre 50 y 60 pisos al día, sin ascensor) y, por fin, empezaba a ver la luz al final del túnel.
Llamé al timbre.
«¿Quién es?», dijo un hombre por el interfono.
— La lectura del gas.
— Ah.
La decepción en su voz era palpable. Colgó. Oí ruido en la entrada, así que me quedé, por si acaso. Y, efectivamente, bajó a abrirme. Me indicó dónde estaban los contadores — en la entrada — pero había un montón de cosas que bloqueaban el acceso. Maldijo, retiró una bicicleta, juguetes de plástico y, en su impulso, un globo salió volando y cayó rodando por las escaleras.
Lo vi flotar un instante.
Al darme la vuelta, vi que el tipo me miraba fijamente, bicicleta en la mano, impaciente, así que me apresuré a hacer mis lecturas. Le di las gracias cordialmente, recogí el globo escapado y se lo tendí.
«No, pero ¿qué quieres que haga con esto?», dijo molesto. «¡Tíralo fuera!». Así que salí con el globo en la mano y oí cómo se cerraba la puerta de golpe a mis espaldas.
Había tenido un día tan difícil... Exactamente eso, gente agresiva sin motivo, rechazos, comentarios, suspiros... Durante un momento, no pude moverme. Me quedé clavada en el sitio, intentando con todas mis fuerzas no echarme a llorar. Era demasiado estúpido, la verdad. Así que respiré hondo y miré el globo. ¿Qué voy a hacer contigo?
«¡Tíralo!», seguía oyendo gritar al tipo. «¡A la calle, me da igual!».
Pero no pude. ¿Así se hacen las cosas hoy en día? ¿Usar y tirar, next!, sin pensarlo dos veces? Mi globo y yo éramos como dos gatos callejeros, y desde luego no iba a abandonarlo allí. Habría sido como admitir que el tipo tenía razón. La idea me daba escalofríos. Así que abrí mi libro por la página donde lo había dejado y caminé hasta el metro, globo bajo el brazo, donde todos me miraron un poco raro. Pero creo que fue ese día cuando entendí que «raro» era un halago, al final, y que iba a pasar el resto de mi vida nadando contracorriente. —
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