#13 - The blue balloon (the story)
It’s hard to be small because people get mean. ‘You see, son’, said a father to his boy the other day, as the three of us were waiting for the lift. ‘Work hard at school, otherwise you'll end up like her.’ Oscar Wilde said (…)
It’s hard to be small because people get mean.
‘You see, son’, said a father to his boy the other day, as the three of us were waiting for the lift. ‘Work hard at school, otherwise you'll end up like her.’
Oscar Wilde said, ‘I refuse to engage in an intellectual battle with an unarmed man.’ So I slipped my book into my pocket and kept quiet.
It's a little bit every day, my drama teacher used to say, back in France. When you have a goal in life, you have to work on it a little bit every day. And putting people down is a sport like any other, after all.
It was early afternoon in July. It was already very hot (37°C!) and summer had only just begun. I had spent the day going up and down stairs (50 to 60 floors a day, without lift!) and finally, I was beginning to see the end of it.
I rang the doorbell.
‘Who is it?’ said a man on the intercom.
‘La lectura del gas.’
‘Ah.’
The disappointment in his voice was painful. He hung up. I heard a noise in the hallway, so I stayed, just in case. And he did come down to open the door. He showed me where the meters were, but there was a pile of stuff blocking the access. He swore, removed a kid’s bicycle and some plastic toys, and in his haste, a balloon floated away and tumbled down the stairs.
I watched it float for a second.
Turning around, I saw the guy staring at me, bike in hand, looking rather upset, so I hurried off to take my pictures. Then I thanked him cordially, picked up the escaped balloon, and handed it to him. ‘No, but what do you expect me to do with it?’ he said, annoyed. ‘Take it away!’ So I went out, balloon in my hands, and heard the door slam behind me.
I'd had such a difficult day already... Exactly this, aggressive people for no reason, rejections, comments, sighs... For a moment, I couldn't move. I stood there, on the spot, trying with all my might not to burst into tears. It was too stupid, really. So I took a deep breath and then looked at the balloon. What am I going to do with you?
‘Throw it away!’ I could still hear the guy barking. ‘In the street, I don’t care!’
But I couldn’t. Is this how we do then, these days? We use, and when we’re done using, we throw away, without second thought? My balloon and I were like two stray cats, and I certainly wasn’t going to abandon it there. That would have been like admitting the guy was right. The idea made me shiver. So I opened my book to the page where I’d left off and walked, balloon under my arm, to the Tube, where everyone was giving me strange looks. But I think it was on that day I realised ‘strange’ was a compliment and that I was going to spend the rest of my life going against the current. —
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#13 - Le ballon bleu (l’histoire)
C’est dur d’être tout petit parce que les gens sont méchants. “Tu vois, fiston, disait un père à son fils l’autre jour, alors qu’on attendait tous les trois l’ascenseur. Travaille dur à l’école, sinon, tu finiras comme elle.” Oscar Wilde disait (…)
C’est dur d’être tout petit parce que les gens sont méchants.
“Tu vois, fiston, disait un père à son fils l’autre jour, alors qu’on attendait tous les trois l’ascenseur. Travaille dur à l’école, sinon, tu finiras comme elle.”
Oscar Wilde disait: “Je refuse de m’engager dans une bataille intellectuel avec un homme désarmé”. Alors j’ai glissé mon livre dans ma poche et je me suis tue.
C’est un petit peu tous les jours, disait mon prof de théâtre. Quand on a un objectif dans la vie, il faut s’y mettre un petit peu tous les jours. Et rabaisser les gens est un sport comme un autre, après tout.
Un début d’après-midi, du mois de juillet. Il faisait très très chaud déjà (37°C!) et l’été commençait à peine. J’avais passé la journée à monter et descendre des escaliers (de 50 à 60 étages par jour, sans ascenseur) et enfin, je commençais à en voir le bout.
Je sonnai à la porte.
“Qui est-ce? dit un homme à l’interphone.
— La lectura del gas.
— Ah.
La déception dans sa voix faisait mal. Il raccrocha. J’entendis du bruit dans l’entrée, alors je restai quand même, au cas où. Et effectivement, il descendit m’ouvrir. Il m’indiqua où étaient les compteurs mais il y avait un tas d’affaires qui en bloquaient l’accès. Il jura, retira un vélo miniature, des jouets en plastique et dans son élan, un ballon de baudruche s’envola et dégringola dans l’escalier.
Je le regardai flotter, une seconde.
En me retournant, je vis que le type me fixait, vélo à la main, impatient, alors je fonçai faire mes relevés. Puis je le remerciai cordialement, ramassai le ballon échappé et lui tendis.
“Non, mais qu’est-ce que tu veux que j’en fasse? dit-il, agacé. Jète-le dehors!” Alors je suis sortie, ballon sous le bras et j’ai entendu la porte claquer derrière moi.
J’avais eu une journée tellement difficile... Justement ça, des gens agressifs, sans raison, des refus, des commentaires, des soupirs... Pendant un moment, je ne pouvais plus bouger. Je suis restée clouée sur place, essayant de toutes mes forces de ne pas fondre en larmes. C’était trop stupide, vraiment. Alors j’ai respiré profondément puis j’ai regardé le ballon. Qu’est-ce que je vais faire de toi?
“Jète-le!” J’entendais encore le type aboyer. “Dans la rue, ça m’est égal!”
Mais je n’ai pas pu. C’est comme ça qu’on fait de nos jours, alors? On utilise, puis on jette, sans un regard en arrière? Mon ballon et moi, on était comme deux chats de gouttières et je n’allais sûrement pas l’abandonner là. Ça aurait été comme dire que ce type avait raison. L’idée m’en donnait des frissons. Alors j’ai ouvert mon livre à la page où je m’étais arrêtée et j’ai marché, ballon sous le bras, jusqu’au métro, où tout le monde me regardait un peu étrange. Mais je crois que c’est ce jour-là que j’ai compris qu’étrange était un compliment et que j’allais passer le reste de ma vie à vivre à contre-courant. —
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#12 - El globo azul
La historia de un día difícil…
En un momento dado, perdí el sentido de la gravedad…
Cuando te alejas de todo, es más fácil volar.
En el camino, encontré un globo azul.
Pequeñito, un poco desinflado, pero ridículamente bonito en comparación con todo lo que lo rodeaba... Decidí aferrarme a él.
Me habría avergonzado abandonarlo yo también. Así que me lo llevé.
Porque ese día vi un mundo vasto y cruel a mi alrededor. Un mundo que trata a las personas como si fueran objetos.
Me asusté, eso es todo. —
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#12 - The blue balloon
The (graphic) story of a difficult day…
At some point, I lost my sense of gravity…
When you get away from everything, it's easier to fly.
On my way, I found a blue balloon.
Small, a little deflated, but so ridiculously beautiful compared to what surrounded it... I decided to hold on to it.
I would have been ashamed to abandon it too. So I took it with me.
Because on that day, I saw a vast and cruel world all around me. A world that treats people like they’re balloons.
I got scared, that's all. —
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#12 - Le ballon bleu
L’histoire d’une journée difficile…
À un moment, j’ai perdu le sens de la gravité…
Quand on s’éloigne de tout, c’est plus facile de voler.
Sur la route, j’ai trouvé un ballon bleu.
Tout petit, un peu dégonflé, mais si ridiculement beau comparé à tout ce qui l’entourait... J’ai décidé de m’y accrocher.
J’aurais eu honte de l’abandonner moi aussi. Alors je l’ai emporté.
Parce que ce jour-là, j’ai vu un monde vaste et cruel tout autour. Un monde qui traite les gens comme des ballons.
J’ai eu peur, voilà tout. —
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#11 - “Historias del gas”
Esta mañana, como empecé en los terrados, no tenía nada con qué escribir y tenía esta ansia de hacerlo. Así que empecé a llamar a las puertas y, en apenas una hora, ya había reunido un buen botín (…)
02/09/23 — Pensamientos
Yo era la chica que, en su primer día de secundaria, llevaba bailarinas moradas con calcetines naranjas y lunares verdes. Y con la sonrisa además. La gente cuchicheaba a mi paso, y yo sonreía, repartía caramelos. No era consciente, bajaba de la montaña.
Dios, cómo me gustaría volver a ese estado de (in)conciencia. Pero fui demasiado lejos. Con los años, me construí un corsé que funcionó maravillosamente. Mientras lo apretaba, la cara morada, la gente aplaudía, me felicitaba. Ahora hago todo lo posible por volver a encontrarme.
Es doloroso, frustrante, aterrador incluso. Pero no, va más allá de eso. En realidad, es una agonía. La muerte del yo fabricado por el nacimiento del yo auténtico. Hay que agarrarse. —
19/10/23 — Núria
Creo que hay algo en la frase «Necesito ayuda» a lo que el universo es especialmente sensible.
Esta mañana, nadie me abre la puerta. Es un NO tras otro, y un jefe que dice que es mejor que no vuelva a casa hasta haber conseguido [tal] porcentaje.
Al entrar en su casa, el monstruo voraz que me devora las entrañas constantemente se calma de repente. Todo está oscuro, pero es una oscuridad cálida. En la cocina, hay una vela encendida y una minúscula imagen de María.
Digo unas palabras a la señora, Núria pues, que ya tiene una edad. Me dice que le cuesta caminar. Le cuento que he tenido un mal día y, de repente, dos almas se encuentran. Me aprieta la mano y me ofrece una pera.
«Te la pongo en una bolsa, espera.
—No, le digo. Por favor... Tengo hambre.».
En estas dos palabras, «tengo hambre», y la lástima que le pudo inspirar mi mirada en ese momento, lo leyó todo. No dijo nada, la lavó con agua y me la entregó.
Bueno, otro día horrible, pero pronto todo irá mejor y solo recordaré este gesto: una mano tendida y una persona que habla a otra como si fuera humana.
It’s nice, for a change. (Es agradable, para variar) —
01/12/23 — Maragall/Virrei Amat
Existen dos tipos de contadores: los que se encuentran dentro de las viviendas y los que están en los terrados. Cuando hay que llamar a la puerta (“viviendas”), la compañía está obligada por ley a colocar un aviso — una hoja de papel A4 pegada en la puerta — con una semana de antelación. Es en este papel, que recojo a lo largo del día, donde suelo escribir.
Esta mañana, como empecé en los terrados, no tenía nada con qué escribir y tenía esta ansia mía de hacerlo. Así que empecé a llamar a las puertas y, en apenas una hora, ya había reunido un buen botín (de hojas, claro, no de contadores. A estas horas nadie abre).
Y empecé a pensar… Un año. No pensaba que aguantaría tanto tiempo. Hace un año, tocaba el fondo. Tenía 1,47 € en mi cuenta bancaria y contaba las pequeñas monedas para comprar papel de regalo para mis padres. Lloraba mucho, rezaba poco, confiaba más en malas relaciones para salir del abismo que en mis propias capacidades en Dios. Hace un año, tenía miedo de coger el metro sola, cantaba mis primeros conciertos. Me angustiaba por todo y sudaba día y noche por el dinero. Hace un año, me cortaba el pelo yo misma con unas tijeras de Ikea y utilizaba el presupuesto semanal para comprarme una chaqueta que se suponía que iba a solucionar todos mis problemas. Hace un año, perdía el ánimo, me perdía a mí misma.
Hace, pues, un año que tarareo al bajar del autobús y que practico mis solos en las escaleras. Ahora me cuesta reconocer a la persona que veo subir al escenario y ponerse delante de todo el mundo, murmurando con el corazón lleno de gratitud: «Aquí estoy…».
Ha ocurrido un milagro, y todo empezó así: con una comunidad. Por eso sí, tenemos que apoyarnos mutuamente, día tras día. Tenemos que aprender a no juzgar con dureza los errores, las excusas, los estados de ánimo o los malos días. Porqué sin los demás...
En fin, esta mañana, mientras contemplaba cómo el sol pintaba la ciudad de oro, se me ocurrió que ya no tengo motivos para temer nada. He llegado a un punto en mi relación con Dios que me da la certeza (y la paz que conlleva) de que todo está bajo control. Él se ocupa de cada pequeño detalle de mi vida, como un pintor enamorado, y ya no tengo nada que temer. Los jefes se enfadarán, faltará dinero, los amigos se obstinarán, así es como funciona el mundo y no puedo culpar a nadie por ello. Pero ya no dejo que estas cosas me afectan. Yo escribo, respiro. Sale el sol y, desde los tejados, Lidy, sonrío.
* * *
En este barrio, casi nadie me abrió la puerta. Un perro me mordió en el ascensor y un imbécil me cerró la puerta en las narices. Pero al terminar, me daba igual, sonreía. Para mis jefes, el día fue un fracaso. Para mí, un éxito rotundo: todo lo que he escrito desde entonces, lo escribí en este mismo papel. :) —
Mi colección de escaleras —
07/02/24 — Nayla
Cayó sobre la tierra como un cometa se estrella contra el desierto.
Llevo dos días teniendo sueños extraños. Sueños sórdidos, a decir verdad. Al despertar, me resulta imposible librarme de los escalofríos que me sacuden cuando pienso en ellos.
Hubo un bombardeo, subterráneos secretos, gente que conocía que iba a morir; lo sabía y no podía hacer nada. Las visiones eran tan intensas que no pude levantarme enseguida. Me arrastré hasta el sofá y volví a dormirme allí, intentando soñar con otra cosa. El café se estaba preparando. Y me quedé dormida otra vez después del desayuno.
Me gustaría poder decir que, después de empezar el día, las cosas mejoraron, pero no fue así. Deambulé de una calle a otra, desconfiada, contando los minutos hasta las 15h30 (empecé tarde, claro).
Fue entonces cuando apareció. Toqué un timbre (uno de los 416 que tuve que llamar hoy) y la única respuesta fue un alboroto, un golpe, un ruido sordo tras la puerta. Esperé. Nada. Esperé un rato más. «El gas…», intenté, sin mucha convicción.
Y una vocecita a través de la puerta dijo: «¡Espera! ¡¿Espera, eh?! La puerta está cerrada». Dije: «De acuerdo, me espero», con el mismo tono de la niña que daba las órdenes. «La puerta está cerrada», repitió. «Fue a buscar las llaves».
Un momento después, «él» finalmente abrió la puerta. Un hombre alto, de lenguaje monosilábico. Ella debía de tener siete u ocho años. La piel morena de los hijos del desierto, los ojos negros como el ébano. Me miró fijamente sin decir palabra, como si fuera lo más natural del mundo: que yo estuviera allí, frente a ella, y que ella estuviera allí, frente a mí, abriendo la puerta de su casa, desnuda como un pájaro.
Me dejó entrar y el padre nos siguió. Al final encontré el contador y le hice una foto. La abuela estaba en la cocina; con solo mirarla, se veía que no estaba en sus cabales. La casa estaba sucia y desordenada, se me pegaban los zapatos al suelo y era mejor no tocar las paredes.
Ella me dijo algo, en un idioma que parecía música, pero no la entendí, y casi me dio ganas de disculparme. El padre tradujo: «No, no, nada. Solo te está diciendo que tiene caramelos». Le respondí — a ella — que tenía suerte.
Quería hacerle mil preguntas. Como si dentro del cuerpo de esta niña salvaje se encontraran todas las respuestas del mundo, una sabiduría milenaria, esa profunda conexión que, en su esencia, une a todas las culturas.
Si hubiera dicho: «¿Qué es el tiempo?» o «¿Por qué estamos en la Tierra?», ella habría tenido la respuesta, estaba segura.
Pero, en cambio, la puerta se cerró. Ella desapareció, con su fiereza, su aire extraño y su furiosa libertad.
Bajé unos escalones para que no me vieran y empecé a anotar todas mis impresiones, los pequeños detalles que, en cuestión de segundos, me habían llamado la atención.
La llamé Nayla. Porque significa «la de los ojos grandes» en árabe y porque es el nombre que le habría puesto a la reina de un país libre del desierto si hubiera podido crear uno.
Luego, al salir del edificio, me di la vuelta y miré hacia arriba, hacia el piso donde vivía ella. Me invadió una extraña sensación. Miré la hora y luego volví a mirar hacia la ventana. ¿No deberían estar los niños en el colegio un miércoles a las once? —
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#11 - “Historias del gas”
Ce matin, comme j’ai commencé sur les toits, je n’avais pas de quoi écrire, et ça me démangeait drôlement. Alors j’ai commencé à sonner aux portes, et en une heure à peine, j’avais déjà récolté un beau butin. (…)
02/09/23 — Pensées
J’étais la fille qui, pour son premier jour au collège, portait des ballerines violettes avec des chaussettes oranges à pois vert. Et avec le sourire en plus. On chuchotait sur mon passage, et moi je souriais, je distribuais des bonbons. Je n’avais aucune conscience du ridicule. Je descendais de la montagne.
Dieu que j’aimerais retourner à cet état de conscience des choses. Mais je suis allée trop loin. J’ai fabriqué un corset, au fil des ans, qui a fonctionné à merveille. Pendant que je le serrais, la face violette, on applaudissait. Maintenant, je fais tout pour me retrouver.
C’est douloureux, frustrant, terrifiant, même. Mais non, ça va encore plus loin que ça. C’est une agonie en fait. La mort du soi fabriqué par la naissance du moi authentique. Il faut s’accrocher. —
19/10/23 — Núria
Je crois qu’il y a quelque chose dans la phrase “J’ai besoin d’aide” à laquelle l’univers est particulièrement sensible.
Ce matin, personne ne m’ouvre. C’est NON, sur NON, sur NON et un patron qui dit qu’il ne vaut mieux pas que je rentre à la maison avant d’avoir obtenu [tel] pourcentage.
En rentrant dans sa maison, le monstre vorace qui me dévore les entrailles du matin au soir s’est calmé tout d’un coup. Tout est sombre, mais c’est une obscurité chaleureuse. Dans la cuisine, seule, une bougie allumée, et une minuscule image de Marie.
J’échange quelques mots avec la dame, donc, Núria, qui a déjà un certain âge. Elle me dit qu’elle a du mal à marcher. Je lui dit que j’ai passé une sale journée, et tout à coup, deux âmes se trouvent. Elle me prend la main et me propose une poire.
“Je te l’emballe dans un sac, attends.
— Non, je lui dit. S’il te plaît… J’ai faim.”
Dans ces deux mots, “J’ai faim” et la pitié que lui a inspiré mon regard, elle a tout lu. Elle n’a rien dit, l’a passée sous l’eau et me l’a tendue.
Voilà, une journée de plus, épouvantable, mais bientôt, tout ira mieux et je ne me souviendrai que de ce geste: une main tendue et une personne qui parle à une autre comme si elle était humaine.
It’s nice, for a change. —
01/12/23 — Maragall/Virrei Amat
Il y a deux sortes de compteurs: ceux qui se trouvent à l’intérieur des maisons, chez les gens, et ceux qu’on trouve sur les toits. Quand on doit frapper chez les gens, par loi, l’entreprise est obligée d’accrocher un avis de passage — une feuille A4 collée sur la porte une semaine avant. C’est sur ce papier, récolté tout au long de la journée, que j’écris la plupart du temps.
Ce matin, comme j’ai commencé sur les toits, je n’avais pas de quoi écrire, et ça me démangeait drôlement. Alors j’ai commencé à sonner aux portes, et en une heure à peine, j’avais déjà récolté un beau butin (de feuilles, hein, pas de compteurs. À cette heure-là personne n’ouvre).
Et je me suis mise à réfléchir… Un an. Je ne pensais pas que j’allais tenir aussi longtemps. Il y a un an, je touchais le fond. Il y avait 1,47€ sur mon compte en banque et je comptais les pièces rouges pour acheter du papier cadeau pour les parents. Je pleurais beaucoup, priais peu, je mettais plus de confiance pour me sortir du gouffre dans de mauvaises relations que dans mes propres capacités en Dieu. Il y a un an, j’avais peur de prendre le métro, je chantais mes premiers concerts. J’angoissais sur tout, et je suais jour et nuit pour l’argent. Il y a un an je me coupais moi-même les cheveux avec des ciseaux Ikea et j’utilisais le budget des courses de la semaine pour m’acheter une veste qui aurait dû régler tous mes problèmes. Il y a un an, je perdais courage, je me perdais moi-même.
Depuis, ça fait un an que je fredonne en sortant du bus et que je pratique mes solos dans les cages d’escalier. Maintenant, j’ai du mal à reconnaître la personne que je vois entrer sur scène et qui se tient devant tout le monde, en murmurant, le cœur gonflé de gratitude: “Je suis là”.
Il y a eu un miracle, et ça a commencé comme ça: par une communauté. Alors oui, il faut se supporter les uns les autres, jour après jour. Il faut apprendre à ne pas trop juger les erreurs, les excuses, les humeurs, les mauvais jours. Mais sans les uns les autres…
Enfin, il m’est venu à l’esprit ce matin, en regardant le soleil peindre toute la ville d’or, que je n’ai plus raison de craindre quoi que ce soit maintenant. Je suis arrivée à un stade de ma relation avec Dieu qui me donne la certitude (et la paix qui va avec) que tout est sous contrôle. Il prend soin de chaque petit détail de ma vie, comme un peintre amoureux, et je n’ai rien à craindre. Les patrons se fâcheront, l’argent manquera, les amis s’entêteront, c’est le monde qui tourne ainsi et je ne peux pas lui en vouloir. Mais je ne laisse plus ces choses me faire du mal. Moi, j’écris, je respire. Le soleil se lève, et depuis les toits, je souris.
* * *
Dans cet immeuble alors, quasiment personne ne m’a ouvert, un chien m’a mordu dans l’ascenseur et un con m’a claqué la porte au nez. Mais quand je suis sortie, je m’en fichais, j’avais le sourire aux lèvres. Pour mes patrons, c’était un échec. Pour moi, un franc succès: tout ce que j’ai écrit depuis tout à l’heure, je l’ai fait sur ce papier même. —
Ma collection d’escaliers
07/02/24 — Nayla
Elle est tombée sur la terre comme une comète fracasse le désert.
Ça fait deux jours que je fais des rêves étranges. Des rêves sordides, à vrai dire. En me réveillant, il est impossible de me défaire des frissons qui me secouent quand j’y pense.
Il y avait un bombardement, des sous-terrains secrets, des gens que je connaissais qui allaient mourir; je le savais, et je ne pouvais rien dire. Les visions étaient si fortes que je n’ai pas pu me lever tout de suite. J’ai rampé jusqu’au canapé et je me suis rendormie, pour essayer de rêver d’autre chose. Le café coulait. Et je me suis assoupie encore après le petit-déjeuner.
J’aimerais pouvoir dire qu’après avoir démarré la journée, ça allait mieux, mais ce n’est pas le cas. J’ai traîné mes guêtres d’une rue à l’autre, suspicieuse, en comptant les minutes jusqu’à 15h30 (j’ai commencé tard).
C’est alors qu’elle est apparue. J’ai sonné à une porte (une des 416 auxquelles j’ai dû frapper aujourd’hui) et pour toute réponse, un vacarme, bada-boum, remue-ménage étouffé derrière la porte. J’ai attendu. Rien. Attendu encore. “El gas…” j’ai essayé, peu convaincue.
C’est alors qu’une petite voix à travers la porte a dit : “Attends. Attends, hein?! La porte est fermée.” J’ai dit: “D’accord, j’attends.” sur le même ton que la petite fille de laquelle venaient les ordres. “La porte est fermée” elle a répété. “Il est allé chercher les clefs.”
Un moment plus tard, “il” a fini par ouvrir. Un homme grand, au langage monosyllabique. Elle devait avoir sept ou huit ans. La peau brune des enfants du désert, les yeux noirs comme l’ébène. Elle me fixait des yeux sans rien dire, comme si c’était la chose la plus naturelle du monde — que je sois là, ici, devant elle, et qu’elle soit là, devant moi, ouvrant la porte de chez elle, nue comme un vers.
Elle m’a laissé entrer, le père nous a suivi. J’ai fini par trouver le compteur, pris ma photo. La grand-mère était dans la cuisine — en un regard, on pouvait voir qu’elle n’avait pas toute sa tête. La maison était sale, désordonnée, j’avais les chaussures qui collaient au sol et il valait mieux ne pas toucher les murs.
Elle me dit quelque chose, de son joli ton impétueux qui roulait sur sa langue. Je n’ai pas compris et ça m’a presque donné envie de m’en excuser. Le père a traduit: “Non, non, rien. Elle te dit simplement qu’elle a des bonbons.” Je lui ai répondu — à elle — qu’elle avait de la chance.
J’aurais voulu lui poser mille questions. Comme si dans le corps de cette enfant sauvage dormaient toutes les réponses du monde, un savoir millénaire, cette profonde connexion qui, au fond, relie toutes les cultures entre elles.
Si j’avais dit: “Qu’est-ce que le temps?”ou “Pourquoi sommes-nous sur terre?”, elle aurait eu la réponse, j’en étais certaine.
Mais à la place, la porte s’est refermée. Elle a disparu, elle, sa sauvagerie, son petit air étrange et sa furieuse liberté.
J’ai descendu quelques marches pour qu’on ne me voit pas puis j’ai commencer à griffonner toutes mes impressions, les menus détails qui, en quelques secondes, m’avaient frappés.
Je l’ai appelé Nayla. Parce que ça veut dire “celle qui a de grands yeux” en arabe et parce que c’est le nom que j’aurais donné à la reine d’un pays libre du désert si j’avais pu en créer un.
Puis, en sortant de l’immeuble, je me suis retournée, et j’ai levé les yeux vers l’étage où elle vivait. Une sensation étrange m’a envahie. J’ai regardé l’heure, puis la fenêtre à nouveau. Est-ce que les enfants ne devraient pas être à l’école, un mercredi, à onze heures? —
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#11 - ‘Historias del gas’
This morning, as I started on the rooftops, I didn't have anything to write with, and it was really itching me. So I started ringing doorbells, and in barely an hour, I had already collected a nice haul (…)
or ‘Gas meter stories’
02/09/23 — Thoughts
I was the girl who, on her first day at middle school, wore purple ballet flats with orange socks and green polka dots. People were whispering as I walked by, but I was smiling, handing out candies. I had no awareness of how ridiculous it all looked. I was coming down from the mountain, you see.
God, how I’d love to return to that state of (un)awareness. But I have gone too far. I have built a corset over the years that has worked wonders. As I tightened it, my face turned purple and people applauded. Now, I am doing everything I can to find myself again.
It's painful, frustrating, terrifying, even. But no, it goes further than that. It's agony, actually. The birth of the authentic self through the death of the fabricated self. You better hang on. —
19/10/23 — Núria
I think there is something in the phrase ‘I need help’ that the universe is particularly sensitive to.
This morning, no one is opening. It's NO, and NO, and NO, and a boss who says I'd better not go home until I achieve [such] percentage.
Upon entering her home, though, the voracious monster that, night and day, devours me from the inside, suddenly calmed down. Everything is dark, but it is a warm darkness. In the kitchen, alone, a lit candle and a tiny image of Mary.
I exchange a few words with the lady, Núria, who is quite elderly. She tells me that she has difficulty walking. I tell her that I've had a bad day, so suddenly, two souls connect. She takes my hand and offers me a pear.
‘Wait a moment, I'll wrap it up in a bag for you.
— No, I said. Please... I'm hungry.’
In those two words, ‘I'm hungry’ and the pity my gaze must have inspired her, she read everything. She said nothing, rinsed it under water and handed it to me.
So here we are, another awful day, but soon everything will be better, and I'll only remember this gesture: a hand reaching out and one person talking to another as if she were human.
It's nice, for a change. —
There are two types of gas meters: those located inside people's homes and those found on rooftops. When we have to knock on people's doors, the company, by law, is required to leave a notice — an A4 paper sheet stuck on the door of the building the week before. It is on this paper, collected throughout the day, that I write most of the time.
This morning, as I started on the rooftops, I didn't have anything to write with, and it was really itching me. So I started ringing doorbells, and in barely an hour, I had already collected a nice haul (of sheets, that is, not meters. At that hour, no one answers the door).
And I started thinking... One year. I didn't think I would last that long. A year ago, I hit rock bottom. I had €1.47 in my bank account and I was counting my coins to buy wrapping paper for my parents. I cried a lot, prayed little, and put more trust in bad relationships than in my own abilities in God to get me out of the pit. A year ago, I was afraid to take the underground, I was singing my first concerts. I was anxious about everything and sweating day and night over money. A year ago, I cut my own hair with Ikea scissors and used the weekly grocery budget to buy a jacket that was supposed to solve all my problems. A year ago, I was losing heart, I was losing myself.
Well now, it’s been a year I've been humming as I get off the bus and practising my solos in stairwells. Now, I find it hard to recognise the person I see walking onto the stage and standing in front of everyone, whispering, my heart bursting with gratitude: ‘Here I am.’
There was a miracle, and it started like this: with a community. So yes, we have to put up with each other, day after day. We have to learn not to judge mistakes, excuses, moods and bad days too harshly. Because without each other...
Finally, it occurred to me this morning, as I watched the sun paint the whole city gold, that I no longer have any reason to fear anything. I have reached a stage in my relationship with God that gives me the certainty (and the peace that goes with it) that everything is under control. He takes care of every little detail of my life, like a painter in love, and I have nothing to fear. Bosses will get angry, money will run out, friends will be stubborn, that's the way the world works and I can't blame it for that. But I no longer let these things hurt me. I write, I breathe. The sun rises, and from the rooftops, I’m smiling.
* * *
In that building, practically no one answered the door, a dog bit me in the lift, and some idiot slammed the door in my face. But when I left, I didn't care, I had a smile on my face. For my bosses, it was a failure. For me, it was a resounding success: everything I've written since earlier, I did on this very paper. —
My collection of staircases
07/02/24 — Nayla
She fell to earth like a comet crashes into the desert.
I've been having strange dreams for two days now. Sordid dreams, to be honest. When I wake up, I can't shake the shivers that run through me when I think about them.
There was a bombing, secret underground tunnels, people I knew who were going to die; I knew it, and I couldn't say anything. The visions were so strong that I couldn't get up right away. I crawled to the sofa and went back to sleep, trying to dream about something else. The coffee was brewing. And I dozed off again after breakfast.
I wish I could say that after getting on with the day, things got better, but it wasn’t the case. I dragged myself from one street to another, suspicious, counting the minutes until 3:30 pm (I started late, obviously).
That's when she appeared.
I rang a doorbell (one of the 416 I had to ring today) and all I got in response was a racket, a bang, a muffled commotion behind the door. I waited. Nothing. Waited some more. ‘El gas...’ I tried, unconvinced.
Then a little voice through the door said, ‘Wait. Wait, eh?! The door is locked.’ I said, ‘Okay, I'll wait,’ in the same tone as the little girl who had given the orders. ‘The door is locked,’ she repeated. ‘He went to get the keys.’
A moment later, “he” finally opened the door. A tall man, speaking in monosyllables. She must have been seven or eight years old. The brown skin of desert children, eyes as black as ebony. She stared at me without saying a word, as if it were the most natural thing in the world — that I should be there, in front of her, and that she should be there, in front of me, opening the door of her home, naked as a jaybird.
She let me in, and the father followed us. I finally found the meter and took my photo. The grandmother was in the kitchen — you could see at a glance that she wasn't quite sane. The house was dirty and messy, my shoes were sticking to the floor, and it was best not to touch the walls.
She said something to me in her pretty, impetuous tone, something that rolled off her tongue. I didn't understand and it almost made me want to apologise. Her father translated: ‘No, nothing. She's just telling you she has candies.’ I replied — to her — that she was lucky.
I wanted to ask her a thousand questions. As if within the body of this wild child laid all the answers in the world, a thousand-year-old wisdom, this profound connection that, at its core, links all cultures together.
If I had said, ‘What is time?’ or ‘Why are we on earth?’, she would have had the answer, I was certain of it.
But instead, the door closed. She disappeared, along with her wildness, her strange little air and her furious freedom.
I went down a few steps so that no one could see me, then I began to scribble down all my impressions, the tiny details that had struck me in a matter of seconds.
I named her Nayla, because it means “she who has big eyes” in Arabic, and because it's the name I would have given to the queen of a free country of the desert if I could have created one.
Then, as I left the building, I turned around and looked up at the floor where she lived. A strange feeling came over me. I checked the time, then looked at the window again. Shouldn't children be at school on a Wednesday at eleven o'clock? —
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#10 - La chica del gas
Barcelone n’est pas comme je l’avais imaginée. Bondée, bruyante et sans trêve. Quoi qu’il arrive, jamais une trêve. En sortant le matin à l’heure de pointe, on a l’impression d’avoir été englouti par la bête. (…)
Récentes révélations:
Le divin n’agit jamais seul.
L’entropie de l’univers ne peut qu’augmenter — Principe fondamental de thermodynamique. Appliqué ? Après une journée entière à faire le ménage, il suffit d’un crayon posé sur une table pour que tout soit à refaire. Autrement dit: le désordre appelle le désordre (il en va de même pour le mal).
Trouve un travail qui ne te coûte pas.
Répare les choses au moment où elle se casse.
Fais de ton intérieur un endroit où tu as plaisir à vivre.
Achète une plante.
Choisis un livre.
“El gas… ! Lectura del gas!”
Je commence toujours ma journée sur les toits. Ça m’aide à rester loin du sol et comme j’ai toujours du mal à démarrer — pour être honnête, je devrais dire: comme j’ai toujours du mal à croire que c’est ça que je fais maintenant, la lecture du gaz — je prends mon temps pour regarder la vue avant de plonger dans la cohue.
Barcelone n’est pas comme je l’avais imaginée. Bondée, bruyante et sans trêve. Quoi qu’il arrive, jamais une trêve. En sortant le matin à l’heure de pointe, on a l’impression d’avoir été englouti par la bête.
Jonas au cœur de la tempête.
J’avais cru pouvoir trouver ici ce que je n’ai pas eu le courage de chercher en moi-même. Autrement dit, je suis tombée de haut quand, arrivée en Terre Promise, j’ai compris qu’être moi ne serait pas suffisant pour qu’on me donne des papiers, un travail et un numéro de sécurité sociale.
“Mais… Je suis une bonne personne!” je me voyais encore balbutier devant le commissariat de police. Sans aucun doute… Prends un numéro.
Après un an au chômage, j’avais déjà de la chance de pouvoir revêtir un uniforme et crier “El gas!” ¹ toute la sainte journée.
Autant dire qu’on voit de tout, tous les jours. De toutes les classes sociales à tous les genres de réactions possibles. Une fois le bouton de la sonnette enclenché, ce qui se passe suit un ordre dichotomique:
Il y a ceux qui ouvrent immédiatement, et me laissent prendre la photo de leur compteur dans la cuisine. Puis “au revoir et bonne journée” et ils referment la porte. Très rare. Je sais les apprécier.
Il y a ceux qui ouvrent, de même immédiatement, mais seulement pour dire NON. “Vous ne passerez pas”. (Pensez à la voix rauque du mage dans Le Seigneur des Anneaux). Francs et droit-au-but. Je les apprécie tout autant.
Ensuite, il y a ceux dont j’entends les pas derrière la porte. Ils se rapprochent, observent par le judas, puis font le mort, en retenant leur souffle jusqu’à qu’ils me voient faire demi-tour et m’en aller.
Enfin, il y a ceux qui ouvrent seulement pour laisser libre cours à leur frustration d’être nés dans un monde aussi ingrat et dépourvu de sens. Sur ceux-là, j’écris simplement une petite note, en bas de l’écran, pour le collègue qui devra revenir dans deux mois: No picar. Ne pas frapper à la porte.
Après deux semaines, j’ai pensé tout jeter par la fenêtre.
Pourtant, tout a changé après la rencontre.
9 heures du matin. Avenue G., loin dans un quartier que je ne connais pas. Il fait gris et j’ai froid. Je n’ai pas réussi à me réveiller alors je cours et j’entame la liste du jour sans même avoir eu le temps de boire mon premier café. L’immeuble est flambant neuf et c’est mauvais signe — en général, personne ne laisse entrer. Mais elle est la première à répondre et me laisse passer sans argument. Le compteur est sur le balcon. Je la suis. Elle est âgée et souffre en marchant. En passant dans le couloir: un portrait sur le mur, magnifique. Une jeune femme au fusain qui me regarde, tranquille. Sûre d’elle, elle sourit. Auramar ², je murmure. En bas à droite, c’est écrit.
Je prends la photo de mon compteur, et la remercie. En relevant les yeux, je comprends: c’est elle. Quarante ans plus tard mais le regard ne trompe pas. “C’est vous… La femme, sur le mur, n’est-ce pas?” Elle hoche la tête. En repassant dans le couloir, on l’observe toutes les deux, un peu rêveuses. “C’est un auto-portrait” finit-elle par avouer. J’en reste bouche bée. “C’est vous qui l’avez fait?” Ainsi, en me racontant son histoire, nous nous sommes un peu égarées. J’ai oublié, pour un moment, mes compteurs, et elle a oublié de prendre ses médicaments.
Parce que je lui ai dit que j’aimais dessiner aussi, “mais écrire, surtout… oui. Écrire…” elle a bien voulu me montrer d’autres dessins. Puis des textes. Et des poèmes. La table en était pleine. Je n’avais jamais rencontré quelqu’un qui parlait aussi bien de la mer, et de la solitude.
Le café refroidi, nous avons dû nous dire au revoir. “Il y a du travail qui m’attend”, dis-je, inspirée et je ne parlais pas vraiment de la lecture du gaz. Elle a saisit l’allusion et sur le pas de la porte, m’a conseillé de me mettre au travail, sans plus attendre. J’ai acquiescé, en la remerciant. Poco a poco. Petit à petit, j’ai dit.
Elle m’a attrapé le bras. Poco a poco, non. Trabajo duro. Comme un prophète, elle m’a prévenue: ce sera un chemin difficile. Très peu de gens y arrivent parce que très peu de gens savent ce que c’est de faire de vrais sacrifices.
Puis nous nous sommes dit au revoir en nous serrant dans les bras, comme de vieilles amies. Les larmes aux yeux, elle a dit: “La plupart du temps, on rencontre des gens… Mais aujourd’hui, j’ai rencontré une personne. Une belle personne”.
Après ça, chaque fois que je me suis demandée ce que je faisais dans cette ville apparemment hostile, à traîner mes guêtres dans les rues et subir ce traitement, je me suis raccrochée à ses paroles. “Je fais de mon mieux”, je répétais dans ma tête. Puis j’ai compris qu’il était temps que je me rende utile, alors j’ai commencé à prendre des notes. Quand le petit monsieur du huitième, à quatre-vingt ans s’est mis à pleurer dans mes bras parce que j’ai dit “Hmm ça sent bon ici” au-dessus de la casserole, et qu’il a dit “C’était son plat préféré”. Ou quand j’ai complimenté les peintures du petit jeune qui vivait sous les toits à Sants et j’ai dit en passant: “Allez, il faut pas abandonner, c’est beau ce que tu peins”. Il était tout ému et m’a offert des madeleines en partant. Tous les jours, en rentrant, j’écrivais ces anecdotes, que j’ai baptisé “Las historias del gas”. Juste pour moi, décorée avec ce que je récoltais dans la rue. Je me sentais un peu Amélie Poulain parfois.
Alors c’est vrai, pour le moment tout semble avoir disparu. Mes rêves d’enfants, mes ambitions d’étudiantes, mes désirs de gloire et de renommée. Inutile beauté... Mais ce jour-là, le jour de la rencontre, quelque chose m’a traversé. Tout semble être parti en fumée, je pensais… Mais ne pleure pas, regarde, dit la petite voix, à l’intérieur. Sous mes pieds, une pousse verte jaillit d’entre les cendres. Tu es exactement là où tu dois être pour le moment. Aie confiance. Les étoiles naissent de l’effondrement. ³ —
¹ : La lecture du gaz, c’est toute une technique. On nous paye pour parcourir la ville à pied et faire du porte à porte, pour relever les compteurs de gaz. Quatre cents portes par jour, six heures de marche. Mais comme tout le monde est suspicieux, (les voleurs sont réputés à Barcelone), personne ne veut ouvrir. Alors on sonne à toutes les portes du pallier et on crie: “El gas! Lectura del gas!”. Ça augmente nos chances (on est payés au compteur).
² : Pssst… Auramar, cette femme que j’ai rencontré, est vraiment écrivain. Elle a publié un livre, illustré avec ses propres dessins. Un bel hommage au chemin parcouru sur cette terre. — Disponible ici (seulement en espagnol).
³ : Voir Article #8, L’après.
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#10 - La chica del gas
Barcelona isn't what I imagined. Crowded, noisy, and relentless. No matter what, it never takes a break. Going out in the morning during rush hour feels like being swallowed by the beast. (…)
Recent revelations:
The divine never acts alone.
The entropy of the universe can only increase — second law of thermodynamics. (What is entropy? A measure of disorder.) Applied? After a whole day spent cleaning, all it takes is a pencil on a table for everything to be done again. In other words: disorder attracts disorder (the same applies to evil).
Find a job that doesn’t cost you too much.
Repair things as soon as they break.
Make your home a place where you enjoy living.
Buy a plant.
Choose a book.
“El gas… ! Lectura del gas!”
I always start my day on the rooftops. It helps me stay away from the ground, and since I always have trouble getting started — to be honest, I should say: as I still struggle to believe that this is what I do now, reading gas meters — I take my time to enjoy the view before diving into the hustle and bustle.
Barcelona isn't what I imagined. Crowded, noisy, and relentless. No matter what, it never takes a break. Going out in the morning during rush hour feels like being swallowed by the beast.
Jonas in the heart of the storm.
I thought I would find here what I didn't have the courage to look for within myself. In other words, I was devastated when, upon arriving in the Promised Land, I realised that being myself wouldn’t be enough to get me papers, a job and an insurance number.
“But… I’m a good person!” I can still see myself stammering in front of the police station. Without a doubt. Take a number.
After a year of unemployment, I was already lucky to be able to put on a uniform and shout “El gas!” ¹ all day long.
Suffice to say that we see of E-VE-RY-THING, every day. From all social classes to all kinds of possible reactions. Once the doorbell button is pressed, what happens follows a dichotomous order:
So there are those who open the door immediately and let me take a photo of their meter in the kitchen. Then they say, ‘Goodbye and have a nice day,’ and close the door. Those are very rare. I know how to appreciate them.
There are those who open immediately, but only to say NO. ‘You shall not pass.’ (Think of the hoarse voice of the wizard in The Lord of the Rings). Frank and to the point. I appreciate them just as much.
Then there are those whose footsteps I hear behind the door. They come closer, look through the peephole, then play dead, holding their breath until they see me turn around and leave.
Finally, there are those who open up only to give free rein to their frustration at being born into such an ungrateful and meaningless world. For those, I simply write a little note at the bottom of the screen for the colleague who will be coming back in two months: No picar. Do not knock on the door.
After two weeks, I must confess I contemplated the possibility of throwing everything out the window.
However, everything changed after the encounter.
9 o'clock in the morning. G. avenue, far away in a neighbourhood I don't know very well. It's grey and I'm cold. I couldn't wake up, so I have to run and start the day's list without even having time to drink my first coffee. The building is brand new, which is a bad sign — usually, no one lets you in. But she's the first to answer and she seems nice. The meter is on the balcony. I follow her. She's elderly and has trouble walking. As we pass through the hallway, I notice a magnificent portrait on the wall. A young woman in charcoal looks at me calmly. She's confident and smiling. Auramar², I whisper. It's written in the bottom right corner.
I take a picture of my meter and thank her. Looking up, I realise: it's her. Forty years later, but the look in her eyes is unmistakable. ‘It's you... The woman on the wall, isn't it?’ She nods. Walking back down the corridor, we both stare at it, somewhat dreamily. ‘It's a self-portrait,’ she finally admits. I'm speechless. ‘Did you do it?’ So, as she told me her story, we got a little sidetracked. I forgot about my meters for a moment, and she forgot to take her medication.
Because I told her that I also liked drawing, ‘but writing, above all... yes. Writing...’ she kindly showed me more drawings. Then texts. And poems. The table was covered with them. I had never met anyone who spoke so beautifully about the sea and solitude.
The coffee had cooled, and we had to say goodbye. ‘I have work to do,’ I said, inspired, and I wasn't really talking about reading the gas meter. She got the hint and, at the door, advised me to get to work without further delay. I nodded and thanked her. Poco a poco, I said. Little by little.
She grabbed my arm. Poco a poco, no. Trabajo duro. Like a prophet, she warned me: it will be a difficult path. Very few people succeed because very few people know what it means to make real sacrifices.
Then we said goodbye with a hug, like old friends. With tears in her eyes, she said, ‘Most of the time, we meet people... But today, I met a person. A beautiful person.’
After that, whenever I wondered what I was doing in this seemingly hostile city, wandering the streets and enduring this treatment, I clung to her words. ‘I'm doing my best,’ I kept repeating in my head. Then I realised it was time to make myself useful, so I started taking notes. When the old man on the eighth floor, started crying in my arms because I said, ‘Hmm, it smells good in here’ over the saucepan, and he said, ‘It was her favourite dish.’ Or when I complimented the paintings of the young man who lived under the eaves in Sants and said ‘Come on, you can’t give up now, your paintings are beautiful.’ He was so moved he gave me homemade cake, to help me finish the day. Every day, when I got home, I wrote down these anecdotes, which I unoriginally called ‘Las historias del gas’ (gas meter stories). Just for me, decorated with what I was collecting in the street. I felt a bit like Amélie Poulain sometimes.
So it's true, for now everything seems to have disappeared. My childhood dreams, my young adult ambitions, my desires for glory and fame. Useless burden of beauty... But on that day, the day we met, something came over me. Everything seems to have gone up in smoke, I thought... But don't cry, look, said the little voice inside me. Beneath my feet, a green shoot sprouted from the ashes. You are exactly where you need to be right now. Have faith. Stars are born from their own collapse. ³ —
¹: Reading gas meters is quite a skill. We get paid to walk around the city and go door to door reading gas meters. Four hundred doors a day, six hours of walking. But since everyone is suspicious (thieves are notorious in Barcelona), no one wants to open the door. So we ring all the doorbells of the floor at once and shout: ‘El gas! Lectura del gas!’ That increases our chances (we get paid by the meter).
²: Pssst... Auramar, the woman I met, is a real writer. She has published a book, illustrated with her own drawings. A beautiful tribute to her journey on this earth. — Available here (in Spanish only).
³: See Article #8, The Aftermath.
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#10 - La chica del gas
Barcelona no es como me la había imaginado. Abarrotada, ruidosa y sin tregua. Pase lo que pase, nunca para. Al salir por la mañana en hora punta, sientes como si te hubiera tragado la bestia. (…)
Recientes revelaciones:
Lo divino nunca actúa solo.
La entropía del universo solo puede aumentar — segunda ley de la termodinámica. (¿Qué es la entropía? Una medida del desorden del universo). ¿Aplicado? Tras pasar un día entero limpiando, basta con dejar un lápiz en la mesa para tener que hacerlo todo de nuevo. En otras palabras: el desorden atrae al desorden (lo mismo ocurre con el mal).
Encuentra un trabajo que no te cueste demasiado.
Repara las cosas en el momento en que se rompen.
Haz de tu hogar un lugar donde disfrutes vivir.
Compra una planta.
Elige un libro.
“El gas… ! Lectura del gas!”
Siempre empiezo el día en los terrados. Me ayuda a mantenerme alejada del suelo y, como siempre me cuesta arrancar — si soy honesta, debería decir: como aún me cuesta creer que esto es lo que hago ahora, la lectura del gas — me tomo mi tiempo para contemplar la vista antes de sumergirme entre la multitud.
Barcelona no es como me la había imaginado. Abarrotada, ruidosa y sin tregua. Pase lo que pase, nunca para. Al salir por la mañana en hora punta, sientes como si te hubiera tragado la bestia.
Jonas en medio de la tormenta.
Pensé que aquí encontraría lo que no había tenido el valor de buscar en mí misma. En otras palabras, me llevé una gran decepción cuando, al llegar a la Tierra Prometida, comprendí que ser yo misma no sería suficiente para conseguir papeles, un trabajo y un número de la seguridad social.
«Pero... ¡Soy buena persona!», me veo todavía balbuceando delante de la comisaría de policía. Sin duda... Ponte a la cola.
Después de un año en paro, ya tenía suerte de poder ponerme un uniforme y gritar «¡El gas!»¹ todo el santo día.
Por así decirlo, vemos de todo, cada día. De todas las clases sociales a todos los tipos de reacciones posibles. Una vez pulsado el timbre, lo que ocurre sigue un orden dicotómico:
Hay los que abren la puerta enseguida, entonces, y me dejan tomar la foto del contador en la cocina. Luego saludan "adiós y que tenga un buen día" y cierran la puerta. Estos son muy, muy raros. Sé apreciarlos.
Hay los que abren, también de inmediato, pero solo para decir NO. «No pasarás». (Piensa en la voz grave del mago en El Señor de los Anillos). Francos y directos. Los aprecio igual de bien.
Luego están aquellos cuyos pasos oigo detrás de la puerta. Se acercan, miran por la mirilla y luego se quedan quietos, conteniendo la respiración hasta que me ven dar media vuelta y marcharme.
Finalmente, están los que solo abren para dar rienda suelta a su frustración por haber nacido en un mundo tan ingrato y carente de sentido. En estos casos, simplemente escribo una breve nota al pie de la pantalla para el colega que tendrá que volver en dos meses: No picar.
Después de dos semanas, es verdad, contemplé la posibilidad de tirarlo todo por la ventana.
Sin embargo, todo cambió después del encuentro.
Las nueve de la mañana. Avenida G., en un barrio que no conozco. El día está gris y tengo frío. No he conseguido despertarme, así que corro y empiezo la lista del día sin haber tenido tiempo siquiera de tomarme un café. El edificio es nuevo y eso es mala señal: normalmente, nadie deja entrar. Pero ella es la primera en responder y me deja pasar sin problema. El contador está en el balcón. La sigo. Es mayor y le cuesta caminar. Al pasar por el pasillo, veo un retrato en la pared, magnífico. Una joven dibujada al carboncillo que me mira, tranquila. Segura de sí misma, sonríe. Auramar ², susurro. Abajo a la derecha, está escrito.
Tomo la foto de mi contador y le doy las gracias. Al levantar la vista, lo entiendo: es ella. Cuarenta años después, pero la mirada no engaña. «Es usted... La mujer del retrato, ¿verdad?». Asiente. Al volver al pasillo, la observamos las dos, un poco soñadoras. «Es un autorretrato», acaba confesando. Me quedo boquiabierta. «¿Lo ha hecho usted?». Así que, al contarme su historia, nos hemos perdido un momento. Olvidé, por un tiempo, mis contadores, y ella olvidó tomar su medicación.
Como le dije que a mí también me gustaba dibujar, «pero escribir, sobre todo... sí. Escribir...», accedió a enseñarme otros dibujos. Y textos. Y poemas. La mesa estaba llena de ellos. Nunca había conocido a nadie que hablara tan bien del mar y de la soledad.
Una vez enfriado el café, tuvimos que despedirnos. «Tengo faena», dije, inspirada, y no me refería a la lectura del gas, claro. Ella captó la indirecta y, en la puerta, me aconsejó que me pusiera manos a la obra sin esperar. Asentí y le di las gracias. Poco a poco, dije.
Me agarró del brazo. Poco a poco, no. Trabajo duro. Como un profeta, me advirtió: será un camino difícil. Muy poca gente consigue vivir de ello porque muy poca gente sabe lo que significa hacer verdaderos sacrificios.
Nos despedimos con un abrazo, como dos amigas de toda la vida, y emocionada, me dijo: «La mayoría de las veces conocemos a gente... Pero hoy he conocido a una persona. Una persona hermosa».
Después de eso, cada vez que me preguntaba qué hacía en esta ciudad aparentemente hostil, vagando por las calles y recibiendo este trato, me aferraba a sus palabras. «Hago lo mejor que puedo», repetía en mi cabeza. “Eso es todo.” Entonces entendí que era hora de hacer algo útil conmigo misma, así que empecé a tomar notas. Cuando el señor del octavo piso, a sus ochenta años, se echó a llorar en mis brazos porque dije «Mmm, qué bien huele aquí» por encima de la sartén, y respondió: «Era su plato favorito…» ; o cuando elogié los cuadros de un joven que vivía en un ático en Sants y, de pasada, le dije: «Anda, no te rindas, es precioso lo que pintas». Se emocionó y me regaló magdalenas. Cada día, al volver a casa, escribía estas anécdotas, que simplemente llamé «Las historias del gas». Solo para mí, decoradas con lo que recogía en la calle. A veces me sentía un poco Amélie Poulain…
Es cierto, por ahora todo parece haber desaparecido. Mis sueños de infancia, mis ambiciones de estudiante, mis ansias de gloria y fama. Inútil belleza... Pero aquel día, el día del encuentro, algo me atravesó. “Todo parece haber desaparecido”, pensaba... Pero no llores, mira, me dijo la vocecita interior. Bajo mis pies, un brote verde surge de entre las cenizas. Estás exactamente donde debes estar ahora. Ten confianza: las estrellas nacen de su propio colapso. ³
¹ : Leer el gas es toda una técnica. Nos pagan por recorrer la ciudad a pie y, yendo de puerta en puerta, leer los contadores de gas. Cuatrocientas puertas al día, seis horas de caminata. Pero como todo el mundo desconfía (los ladrones son famosos en Barcelona), nadie quiere abrir. Así que llamamos a todos los timbres del rellano y gritamos: "¡El gas! ¡Lectura del gas!". Esto aumenta nuestras posibilidades (nos pagan por contador).
² : Pssst... Auramar, esa mujer que conocí, es realmente escritora. Ha publicado un libro ilustrado con sus propios dibujos. Un bonito homenaje al camino recorrido en esta tierra. — Disponible aquí.
³ : Ver Artículo #8, El después.
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Infidèle
Je ne veux pas de ta fidélité.
Fais l’amour avec elle.
Ne pense à rien,
Suis les corps qui te ramènent
Un à un
Sur le chemin de la liberté.
Laisse ton odeur dans mes draps blancs,
Et mes cheveux en bataille,
Ne dis rien surtout,
Reste, si tu veux
Mais ne me réveille pas en partant.
J’ai toute une vie pour comprendre
Je suis si jeune, tu dis toujours.
Mais je n’ai pas honte, j’ai peur :
Comment on met des mots sur une bouche
qui sont si durs à entendre?
Tes lèvres, dans la nuit, qui cherchent,
Les soupirs,
C’est l’instinct de survie,
Laisse faire.
Il y avait quelque chose en toi
Sur le point de mourir.
Je ne regrette rien,
J’ouvre les fenêtres,
Je fais mon lit,
Fais de même,
Ne perds donc pas ton temps à réfléchir.
Je n’ai pas de larmes à sécher,
Ni de noms à maudire.
Je ferme les yeux au soleil.
Il y a une journée à saisir.
Un instant, je médite.
L’autre.
Je me souviens de ce qu’on souffre
Quand on perd un droit qu’on croyait nôtre.
Mais on ne décore pas une cage
Quand on aime un oiseau, non.
On ouvre la main,
C’est un fait.
C’est un don.
Fidèle est celui qui trouve la paix
Sur le chemin de la maison. —
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#9 - The first session
Context. March, a Monday evening. The church, which doesn't look like a church but rather like a clandestine village hall, is empty, except for a small group of women aged between forty and sixty. There's a light on near the altar, and these people (…)
Context. March, a Monday evening. The church, which doesn't look like a church but rather like a clandestine village hall, is empty, except for a small group of women aged between forty and sixty. There's a light on near the altar, and these people, standing in a semicircle around the director, who holds a guitar around his neck.
Considering that I don't speak a word of their language¹, I wonder if, after all, it was a good idea to come and sing in a strange place when I don't know anyone. But it's too late, he saw me and signalled to join them. Even though he does me the favour of speaking Spanish, most of his words are lost in his moustache, so I don't know what the first exercise consists of. Everyone is talking, and they're trying to get me to talk too.
I was wrong, then. Making me believe I was ready to come back to life was a mistake. The first one. From the outside, I may have looked like I was functioning normally — walking, sleeping, talking — but inside, there was only a white screen with the words ‘no signal’ written in tiny letters. Even my lips had gotten used to responding on their own.
But there had been a concert in a church a month earlier, and music like I had never heard before. Lots of joy, offbeats, finger snaps. It made you want to stand up. To do what, I wasn't quite sure yet, but for a moment, it reminded me of who I was. So I grabbed a choir member as I was leaving the church and asked her how I could sign up.
‘It's a Gospel choir. It's easy: next Monday, same place. Come at 8 pm and you'll see for yourself.’
But a Monday later, I was there, surrounded by these savages who grabbed me by the shoulders and smiled, and tried to make me dance like a cowboy. I imitated jungle animals, lip-synched to Catalan anthems and triumphed as an Egyptian in a song dedicated to Moses. Yes, that was my first session and I survived it thanks to my firm intention never to return. That was my second mistake.
Summer passed, with all the passion, drama and adventure that entails. There had been trips, projects, progress and happy sleepless nights, until a break-up threw everything into question and brought me, mercilessly, back to square one. Along the way, I greeted Depression like an old friend. Welcome home, she said. So I started wandering the streets again, aimlessly; since I had no job, I took my time. I leafed through books on benches, talked to elderly people without grandchildren, revisited flower markets and lost myself among fruit stalls.
A few months later, walking up the long avenue that leads to my house, I got lost deep in thought. It was a windy day, I watched the trees dancing. The traffic light turned red, so I waited. To my right, stuck to a post, a homemade paper ad. ‘Do you want to sing Gospel?’ it said. I laughed, looking right and left, as if someone had played a joke on me and was watching. I was sure I knew which choir it was about.
Pulling on one of the little papers, I turned around. I needed to sit down for a moment.
A whole decade, then. Ten years of battling relapses, anxiety, depression; intensive therapy, a move, a career change, to find myself here, two thousand kilometres later, free, in the sunshine, on a sticky bench eating strawberries.
“Oh, happy day…” ² I began to hum.
I think something bad happened to me in life, I thought. But that’s over now.
It was so beautiful that, with tears in my eyes, I almost laughed. I dialled the number. ‘Monday, 8 p.m., at … church’ I was told, and I smiled. I already knew what to expect. —
¹: Catalan, a Romance language spoken mainly in Catalonia, the Balearic Islands, the Valencian Community, the French Pyrénées-Orientales region and Andorra, where it’s the official language.
²: Oh Happy Day, The Edward Hawkins Singers, 1968.
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#9 - La primera sesión
Pero el lunes siguiente, allí estaba, rodeada de esos salvajes que me cogían por los hombros sonriendo o intentaban hacerme bailar como un vaquero. Imité a los animales de la selva, hice playback con himnos (…)
Contexto. Mes de marzo, un lunes por la noche. La iglesia, que no parece una iglesia sino más bien un salón de actos clandestino, está vacía, salvo por un pequeño grupo de mujeres de entre cuarenta y sesenta años. Hay una luz encendida cerca del altar y estas personas, colocadas en semicírculo alrededor del director, que lleva una guitarra colgada al cuello.
Sabiendo que no hablo una palabra de su idioma¹, me pregunto si, después de todo, fue buena idea: venir a cantar sin conocer a nadie. Pero es demasiado tarde; me ve y me hace señas para que me una a ellos. Aunque me hace el favor de hablar en castellano, la mayoría de sus palabras se pierden en su bigote, así que no sé en qué consiste el primer ejercicio. Todos se ponen a charlar, y tratan de hacerme hablar también.
Pues me equivoqué. Pensar que estaba lista para volver a la vida fue un error. El primero. Desde fuera, quizá parecía funcionar con normalidad — caminaba, dormía, hablaba — pero por dentro solo había una pantalla en blanco con las palabras «sin señal» escritas en letra minúscula. Incluso mis labios se habían acostumbrado a responder por sí solos.
Pero un mes antes había habido un concierto en una iglesia y había escuchado música como nunca antes. Mucha alegría, contratiempos, chasquidos de dedos. Daba ganas de ponerse de pie. Para hacer qué, aún no estaba segura exactamente, pero, por un momento, me recordó quién era. Así que al salir de la iglesia abordé a una corista y le pregunté cómo podía apuntarme.
«Es un coro de música Gospel. Es fácil: el próximo lunes, en el mismo sitio. Ven a las ocho y lo verás».
Pero el lunes siguiente, allí estaba, rodeada de esos salvajes que me cogían por los hombros sonriendo o intentaban hacerme bailar como un vaquero. Imité a los animales de la selva, hice playback con himnos catalanes y triunfé como egipcia con una canción dedicada a Moisés. Sí, era mi primera sesión y la sobreviví gracias a mi firme intención de no volver jamás. Ese fue mi segundo error.
El verano pasó, con toda la pasión, el drama y la aventura que eso implica. Hubo viajes, proyectos, avances y noches en vela, felices, hasta que una ruptura lo puso todo en duda y me devolvió, sin piedad, al punto de partida. De paso, saludé a la Depresión como a una vieja amiga. «Bienvenida a casa», me dijo. Así que volví a vagar por las calles, sin rumbo; como no tenía trabajo, me tomé mi tiempo. Hojeé libros en los bancos, hablé con ancianos sin nietos, volví a visitar los mercados de flores y me perdí entre puestos de fruta repletos.
Unos meses después, mientras subía por la gran avenida que lleva a mi casa, pensativa, observaba cómo bailaban los árboles. Había mucho viento. El semáforo se puso en rojo, esperé. A mi derecha, pegada a un poste, una hoja de papel. «¿Quieres cantar Gospel?», decía. Me reí, mirando a derecha e izquierda, como si alguien me hubiera gastado una broma y estuviera observándome. Estaba segura de saber de qué coro se trataba.
Arranqué unos de los papelitos y me di la vuelta. Necesitaba sentarme un momento.
Una década entera, entonces. Diez años luchando contra las recaídas, la ansiedad, la depresión; una terapia, una mudanza, un cambio de carrera, para encontrarme aquí, dos mil kilómetros más tarde, libre, al sol, en un banco pegajoso comiendo fresas.
«Oh, happy day...» ² Empecé a tararear.
Creo que me ha pasado algo malo en la vida, pensé. Pero eso ya se acabó.
Era una sensación tan bonita que, con lágrimas en los ojos, casi me eché a reír. Marqué el número. «Lunes, a las ocho, en la iglesia de...», me dijeron, y sonreí. Ya sabía qué esperar. —
¹: El catalán, lengua romance hablada principalmente en Cataluña, las Islas Baleares, la Comunidad Valenciana, los Pirineos Orientales franceses y Andorra, donde es la lengua oficial.
²: Oh happy day, The Edward Hawkins singers, 1968.
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#9 - La première séance
Mais un lundi plus tard, je me retrouvais là, au milieu de ces sauvages qui me prenaient par les épaules en souriant ou essayait de me faire danser comme un cow-boy. J’ai imité des animaux de la jungle, fait du play-back sur des hymnes catalans et triomphé (…)
Contexte. Mois de mars, un lundi soir. L’église, qui ne ressemble pas à une église mais plutôt à une salle des fêtes clandestine, est vide, hormis un petit groupe de femmes, âgées de quarante à soixante ans. Il y a une lumière allumée près de l’autel et ces personnes, placées en demi-cercle autour du directeur, qui tient une guitare pendue à son cou.
Sachant que je ne parle pas un mot de leur langue¹, je me demande si, après tout, c’était une bonne idée: venir chanter quand on ne connaît personne. Mais c’est trop tard, il m’a vu et me fait signe de les rejoindre. Même s’il me fait grâce de parler espagnol, la plupart de ses mots se perdent dans sa moustache, si bien que je ne sais pas en quoi consiste le premier exercice. Tout le monde parle, et on essaie de me faire parler aussi.
J’ai eu tort, alors. Me faire croire que j’étais prête à revenir à la vie était une erreur. La première. De l’extérieur, j’avais peut-être l’air de fonctionner normalement — marcher, dormir, parler — mais au-dedans, il n’y avait qu’un écran blanc avec écrit “aucun signal” en toutes petites lettres. Même mes lèvres s’étaient habituées à répondre d’elles-mêmes.
Mais il y avait eu un concert dans une église un mois auparavant et de la musique comme je n’en avais jamais entendu. Beaucoup de joie, des contre-temps, des claquements de doigts. Ça donnait envie de se mettre debout sur ses pieds. Pour faire quoi, je n’étais pas encore sûre exactement mais, pendant un moment, ça m’a rappelé qui j’étais. Alors j’ai attrapé une choriste en sortant de l’église et je lui ai demandé comment je pouvais m’inscrire.
“C’est une chorale de musique Gospel. C’est facile: lundi prochain, même endroit. Viens à 20h et tu verras”.
Mais un lundi plus tard, je me retrouvais là, au milieu de ces sauvages qui me prenaient par les épaules en souriant ou essayait de me faire danser comme un cow-boy. J’ai imité des animaux de la jungle, fait du play-back sur des hymnes catalans et triomphé en égyptienne sur une chanson dédiée à Moïse. Oui, c’était ma première séance et j’y ai survécu grâce à la ferme intention de ne jamais revenir. Ce fut ma deuxième erreur.
L’été a passé, avec toute la passion, le drame et l’aventure que cela implique. Il y a eu des voyages, des projets, du progrès et des nuits blanches, heureuses, jusqu’à ce qu’une rupture remette tout en question et me ramène, impitoyablement, à la case départ. En passant, j’ai salué la dépression comme une vieille amie. Bienvenue à la maison, elle a dit. Alors j’ai recommencé à errer dans les rues ; comme je n’avais pas de travail, j’ai pris mon temps. J’ai feuilleté des livres sur des bancs, parlé à des personnes âgées sans petits enfants, j’ai re-visité les marchés aux fleurs et me suis perdue entre des étals de fruits pleins à craquer.
Quelques mois plus tard, en remontant la grande avenue qui mène jusqu’à chez moi, la tête pensante, je regardais les arbres danser. Il y avait beaucoup de vent. Le feu est passé au rouge, j’ai attendu. À ma droite, collée sur un poteau, une feuille de papier. “Vous voulez chanter le Gospel?” ça disait. J’ai ri, en regardant à droite puis à gauche, comme si quelqu’un m’avait fait une blague et était en train d’observer. J’étais certaine de savoir de quelle chorale il s’agissait.
Tirant sur un des petits papiers, j’ai fait demi-tour. Il fallait que je m’assois un moment.
Une décennie entière, alors. Dix ans à lutter contre les rechutes, l’anxiété, la dépression; une thérapie, un déménagement, un changement de carrière, pour me retrouver ici, deux mille kilomètres plus tard, libre, au soleil, sur un banc qui colle en mangeant des fraises.
“Oh, happy day…” ² j’ai commencé à fredonner.
Je crois qu’il m’est arrivé quelque chose de mal dans la vie, j’ai pensé. Mais tout ça, c’est terminé.
C’était si beau que, les larmes aux yeux, j’en aurais presque ri. J’ai composé le numéro. “Lundi, 20h, à l’église de … ” on m’a dit et j’ai souri. Je savais déjà à quoi m’attendre. —
¹ : Le catalan, langue romane parlée notamment en Catalogne, aux Îles Baléares, dans la Communauté valencienne, dans les Pyrénées-Orientales françaises et à Andorre, dont elle est la langue officielle.
² : Oh happy day, The Edward Hawkins singers, 1968.
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J’ai entendu dire
Un poème sur la confrontation avec son abuseur.
J’ai entendu dire qu’il fallait du courage
Pour faire du secret, une route
Et du deuil, un hommage.
J’ai entendu dire
Que j’avais un cœur grand comme le monde,
Que dans mes larmes ne se reflétaient pas la peur
Mais une dignité profonde.
J’ai entendu dire que j’avais eu de la chance, par le passé.
Que de toutes les choses bénies par la Providence,
J’étais sa préférée.
Je poserai ça ici, donc, juste derrière moi:
Est-ce à ça que la chance ressemble pour toi?
C’est la dernière fois que je me retourne.
J’ai entendu dire qu’il fallait bien du courage, donc,
Pour se sortir soi-même d’une prison sans verrou,
Pour cracher une traînée de sang par terre
Et se battre contre le sort
Ou contre soi,
Jusqu’au bout.
Parle, parle mon cœur.
Ne te laisse pas
Mettre à genoux
Par la peur.
Et si tu crois qu’en faisant toutes ces choses que j’ai faites,
Je me suis sentie forte, brave ou prête,
Sache qu’il n’y a jamais eu de bon moment pour détruire un monde.
J’en garde les mains qui tremblent
Mais je suis libre maintenant,
C’est tout ce qui compte. —
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#8 - El después
Las estrellas nacen de su propio colapso. Habrá que recordar esta frase. Nos será útil más adelante. Entonces sucede. Un día, así, sin más. Ya sea por elección propia o porque la vida así lo ha decidido. De repente, todo lo que conocíamos (…)
Las estrellas nacen de su propio colapso. Habrá que recordar esta frase. Nos será útil más adelante. Entonces sucede. Un día, así, sin avisar. Ya sea por elección propia o porque la vida así lo ha decidido. De repente, todo lo que conocíamos desaparece/ha desaparecido, la frontera no está muy clara y es como ver la orilla alejarse desde la popa de un barco. Aún no nos hemos dado cuenta de lo que acaba de pasar, pero cuando la Madre Tierra ya no es más que un punto en el horizonte, nos damos cuenta de que es un billete de ida que llevamos en el bolsillo y que es demasiado tarde para saltar al agua.
Las cosas nunca volverán a ser iguales.
Pues se necesita un año para recuperarse después de un golpe duro. Mamá tenía razón. Un año atravesando el valle oscuro. Y una mañana, por fin, sale el sol. Cerramos los ojos, por reflejo, y el duelo vuelve a ser lo que siempre ha sido: un compañero de viaje no invitado.
En el fondo del abismo, las paredes se abren. Al otro lado se oye el ruido de los coches y de los niños jugando. Qué extraño parece todo de repente. ¿Tenemos derecho a hacer esto? ¿A seguir viviendo después de que un mundo se haya derrumbado? Avanzamos descalzos, observando a los peatones y a la vida que continúa... Parece que no lo saben. Habría que decírselo: lo he perdido todo.
Pero el instinto de supervivencia... El instinto de supervivencia es esa fuerza inmutable que impulsa la sangre por las venas y hace que las pestañas se agiten al despertar, y sigue el olor de los cruasanes en la calle. El instinto de supervivencia es el traidor del alma perdida que solo quiere eso: perderse. Porque es imposible luchar contra ello. La vida no pide permiso para entrar.
Como una brizna de hierba que crece entre las losas de la acera. O una sonrisa que confunde, que nos hace sonrojar, o una risa que se nos escapa. Entra a patadas, incluso sin bajar la guardia.
Caminar, pues. Es todo lo que he hecho desde que llegué a Barcelona. Caminar para recapacitar, para reconocerme, reconstruirme. He dejado cosas atrás, el tiempo pasando, he escrito pequeñas frases en trocitos de papel y las he abandonado en la playa. Sin darme cuenta, sucedió. Porque la vida no pide permiso para entrar. He vuelto a disfrutar de los días bonitos.
Deambulando así, durante esos largos meses de invierno y de primavera lluviosa, aprendí a seguir esas pequeñas cosas que de vez en cuando me arrancaban una sonrisa. Como migas de pan en el camino. Las recogí, una a una. No estaba preparada para vivirlas, pero las guardé, por si acaso, para más adelante.
Y desde lo más profundo de mi noche, sucedió. Vi una pequeña luz¹ encenderse. Era un martes del mes de septiembre. Había un papelito pegado a un semáforo. Lo arranqué para llevármelo y, poco sabía entonces, que lo iba a cambiar todo. —
¹ : Little Light, es el nombre del coro de Gospel donde canto desde el 2022. Little Light Gospel Choir, que significa: pequeña luz.
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#8 - The aftermath
Stars are born out of their own collapse. We shall remember this phrase. We’ll make a good use of it later. So it happens. One day, just like that. Either by choice, or because life has decided so. Suddenly, everything we've ever known disappears/has disappeared, the boundary isn’t clear and (…)
Stars are born out of their own collapse. We shall remember this phrase. We’ll make a good use of it later. So it happens. One day, just like that. Either by choice, or because life has decided so. Suddenly, everything we've ever known disappears/has disappeared, the boundary isn’t clear, and it's like watching the shore recede from the back of a boat. We haven't yet understood what just happened, but when Mother Earth is nothing more than a dot on the horizon, we realise that it's a one-way ticket we have in our pockets and that it's too late to take the plunge.
Things will never be the same again.
It takes about a year, then, to get back on your feet after a hard blow. Mum was right. A year of wandering through the dark valley. Then one morning, the sun rises. We close our eyes, by reflex, and grief becomes what it has always been: an uninvited road companion.
From the depths of the abyss, the walls open up. On the other side, there's the sound of cars and children playing. How strange everything seems, suddenly. Do we have the right to do this? To continue living after a whole world collapses? We move barefoot in the direction of this dream, observing passersby and life going on with its things... They don’t seem to know. Someone should tell them: I've lost everything.
But the survival instinct... Survival instinct is the immutable force that propels blood through our veins and makes our eyelashes flutter when we wake up and follows the smell of croissants in the street. Survival instinct is the traitor to the lost soul who wants nothing but this: to lose itself. Because it's impossible to fight against it. Life doesn't ask for permission to enter.
Like a blade of grass growing between the paving slabs. Or a smile that makes us blush, or a big laugh that escapes us. It bursts in, kicking down the door, even without letting our guard down.
Walking, then. That's all I've done since I arrived in Barcelona. Walking to think, walking to recognise, to rebuild myself. I've left things behind me, time passing by, I've let bygones be bygones, I've drawn boats and written sentences on little papers to left them on the beach. Without realising it, it just happened. Because life doesn't ask for permission to enter. I've learned to enjoy carefree days again.
Wandering around like this for those long winter months and wet spring days, I learned to look out for those things that were able to steal a smile from me every now and then. Like breadcrumbs on the way. I picked them up, one by one. I wasn't ready to experience them, but I kept them, just in case, for later.
And in the depths of my night, it happened. I saw a little light¹ turn on. It was a Tuesday afternoon, in September. There was a homemade paper ad stuck to a traffic light. I pulled it off, took it home and since then, everything has changed. —
¹ : That’s the name of the Gospel choir where I sing, since 2022, Little Light Gospel Choir.
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#8 - L’après
Les étoiles naissent de l’effondrement. Il faudra se souvenir de cette phrase. Elle nous servira plus tard. Alors ça arrive. Un jour, comme ça. Soit par choix, soit parce que la vie en a décidé ainsi. Soudain, tout ce qu’on a toujours connu jusque-là disparaît/a disparu, la limite est floue, et (…)
Les étoiles naissent de l’effondrement. Il faudra se souvenir de cette phrase. Elle nous servira plus tard. Alors ça arrive. Un jour, comme ça. Soit par choix, soit parce que la vie en a décidé ainsi. Soudain, tout ce qu’on a toujours connu jusque-là disparaît/a disparu, la limite est floue, et c’est comme regarder la rive s’éloigner depuis l’arrière d’un bateau. On n’a pas encore réalisé ce qui vient de se passer mais quand la terre-mère n’est plus qu’un point à l’horizon, on se rend compte que c’est un billet “aller simple” qu’on a dans les poches et qu’il est trop tard pour se jeter à l’eau.
Les choses ne seront plus jamais les mêmes.
Il faut un an, alors, pour se remettre sur ses jambes après un coup dur. Maman avait raison. Un an à cheminer à travers la vallée obscure. Puis un matin, le soleil se lève. On ferme les yeux, par réflexe et le deuil redevient ce qu’il a toujours été: un compagnon de route non-invité.
Au fond du gouffre, les parois s’ouvrent. De l’autre côté, il y a le bruit des voitures et des enfants qui jouent. Comme tout paraît étrange tout à coup. Est-ce qu’on a le droit de faire ça? De continuer à vivre après qu’un monde s’écroule? On avance, pieds nus, en observant les passants et la vie qui continue... Ils ont l’air de ne pas savoir. Il faudrait le leur dire: j’ai tout perdu.
Mais l’instinct de survie… L’instinct de survie, c’est cette force immuable qui propulse le sang dans les veines et fait battre les cils au réveil et qui suit l’odeur des croissants dans la rue. L’instinct de survie c’est le traître à l’âme en perdition qui ne veut que ça: se perdre. Parce que c’est impossible de lutter contre. La vie ne demande pas de permission pour entrer.
Comme un brin d’herbe qui pousse entre les dalles du trottoir. Ou un sourire qui confond, un rire qui nous échappe. Ça entre, à coups de pied dans la porte, même sans baisser sa garde.
Marcher, alors. Je n’ai fait que ça depuis que je suis arrivée à Barcelone. Marcher pour réfléchir, marcher pour me reconnaître, pour me reconstruire. J’ai semé des choses derrière moi, j’ai laissé de l’eau couler sous les ponts, j’ai écrit des petites phrases sur des morceaux de papier et je les ai abandonnés sur la plage. Sans m’en rendre compte, c’est arrivé. Parce que la vie ne demande pas de permission pour entrer. J’ai repris goût aux belles journées.
En errant ainsi, durant ces longs mois d’hiver et de printemps humide, j’ai appris à suivre ces petites choses qui arrivaient à me voler un sourire de temps en temps. Comme des miettes de pains sur la route. Je les ai ramassées, une à une. Je n’étais pas prête à les vivre, mais je les ai gardées, juste au cas où, pour plus tard.
Et du fond de ma nuit, c’est arrivé. J’ai vu une petite lumière¹ s’allumer. C’était un mardi, du mois de septembre. Il y avait un petit papier collé à un feu rouge. J’ai tiré dessus pour l’emporter et depuis, tout a changé. —
¹ : Little Light, c’est le nom de la chorale de Gospel dans laquelle je chante depuis 2022. Little Light Gospel Choir.
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#7 - Hay que seguir
Quelques fois j’en ai assez de raconter des histoires. De faire des petits dessins délicats et “pleins de sensibilité”. De raconter les choses du point de vue de la résilience. Tu as de la chance. Tu as eu tellement de chance. Si je pouvais, je vomirai cette phrase. Quelques fois, j’ai envie de hurler quand (…)
Quelques fois j’en ai assez de raconter des histoires. De faire des petits dessins délicats et “pleins de sensibilité”. De raconter les choses du point de vue de la résilience. Tu as de la chance. Tu as eu tellement de chance. Je ne le nierai pas, mais si je pouvais, je vomirai cette phrase.
Quelques fois, j’ai envie de hurler quand on me dit que j’ai du courage. Je n’ai pas envie d’avoir du courage. J’aimerais vivre une vie normale.
Passer une nuit sans cauchemar. Faire les courses sans souffrir une attaque d’anxiété. Avoir vingt-neuf ans et ne pas toujours dépendre de mes parents pour manger.
Quelques fois, j’aimerais arrêter de rire. Revenir à ce moment où j’étais aveugle et me secouer, me gifler. “Bon Dieu, arrête de sourire”. Car les rires faisaient tout. Ils cachaient tout. Justifiaient tout. Tu avais les mains sur moi et je riais.
Et la nuit, quand je ferme les yeux, il n’y a que ça. Toi et moi sur la rambarde. Toi et moi dans un parc. Toi et moi en secret. En secret innocent. J’aimerais tout vomir de toi et moi et de tous ces gens qui n’ont cessé de me répéter à quel point j’ai eu de la chance dans la vie.
“Est-ce que c’est à ça que la chance ressemble pour toi?
C’est la dernière fois que je me retourne.” ¹
Quelques fois, je voudrais juste que les objets redeviennent des objets, et non plus des symboles. Qu’une ville redevienne un point sur une carte et non plus la source de tous mes malheurs.
Mais j’ai eu du courage. Et j’ai osé parler. Alors il n’y a pas de retour en arrière. Plus de matins anodins, ni de rires sans douleur. Il faut ré-apprendre à voyager en bus toute seule, et ne plus sursauter quand un inconnu nous parle. Il faut se rappeler comment on calme un enfant paniqué, et faire ça pour soi-même. Il faut être en colère pour une fois et ne plus tout pardonner pour le bien… de qui, déjà? Accepter que ceux qui sont partis ont fait un vrai choix.
Alors on peut pleurer sur le chemin, être terrifié, brisé ou exténué, même faire semblant pour un temps. Mais quoi qu’il arrive, hay que seguir. Trouver la force, et aller de l’avant. —
¹ : Poème J’ai entendu dire.
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