J’ai entendu dire
Un poème sur la confrontation avec son abuseur.
J’ai entendu dire qu’il fallait du courage
Pour faire du secret, une route
Et du deuil, un hommage.
J’ai entendu dire
Que j’avais un cœur grand comme le monde,
Que dans mes larmes ne se reflétaient pas la peur
Mais une dignité profonde.
J’ai entendu dire que j’avais eu de la chance, par le passé.
Que de toutes les choses bénies par la Providence,
J’étais sa préférée.
Je poserai ça ici, donc, juste derrière moi:
Est-ce à ça que la chance ressemble pour toi?
C’est la dernière fois que je me retourne.
J’ai entendu dire qu’il fallait bien du courage, donc,
Pour se sortir soi-même d’une prison sans verrou,
Pour cracher une traînée de sang par terre
Et se battre contre le sort
Ou contre soi,
Jusqu’au bout.
Parle, parle mon cœur.
Ne te laisse pas
Mettre à genoux
Par la peur.
Et si tu crois qu’en faisant toutes ces choses que j’ai faites,
Je me suis sentie forte, brave ou prête,
Sache qu’il n’y a jamais eu de bon moment pour détruire un monde.
J’en garde les mains qui tremblent
Mais je suis libre maintenant,
C’est tout ce qui compte. —
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Il me reste tant à pleurer
(Texte original: Anglais — traduction à la fin ↓↓↓)
I have so much left to cry
I have so much left to cry.
Did it occur to you?
That perhaps behind those many smiles
Lies a silence
That won’t die.
I have so much left behind.
All of those days
Of joyful trust
And of those dreams
Barely untouched…
I never came to realise
That I had so much left to cry
Before I’m ready
To hold one’s gaze,
Before the sun
Can rise again.
I have so much left to fear,
And question,
And pray for.
So much to be seen
And cared
And fought for.
And as I know,
This day will come:
Inevitable rise,
From the depths
Of a black-ink storm,
I shall soon get up
And fill the sky
With bursts of laughter
And merry light
But I have so much left to learn
That I don’t know
Which one will first
From my mistakes
Or deepest hurts
Teach me the greatest way
To grow.
I feel it roll and roll
Like long time dreams
Buried in snow
Down by my cheeks
Gently, they roll.
So I stop by the window
And sit.
The winter cold
Blushing my cheeks
Gives me a little time.
To rest
And think.
I can see clearly now
From a bird’s eye view...
All the days I have denied
Fighting with fierce for what was mine
I never seemed to understand
That overwhelmed and somewhat tried
I still had so much left to cry. —
Il me reste tant à pleurer
Il me reste tant à pleurer.
Y as-tu pensé ?
Que peut-être derrière ces nombreux sourires
Se cache un silence
Qui ne veut pas mourir.
J’ai tant laissé derrière moi.
Tous ces jours
De confiance joyeuse,
Et ces rêves
À peine effleurés…
Je n'ai jamais réalisé
Qu'il me reste tant à pleurer
Avant d'être prête
À soutenir le regard de quelqu'un,
Avant que le soleil
Ne se lève, au loin.
Il me reste tant à craindre,
À questionner,
Et pour lequel prier.
Tant de choses à voir
À combattre,
À soigner.
Et comme je le sais,
Ce jour viendra:
Inévitablement, il se lèvera,
Des profondeurs
D'une tempête plus noire que l’encre ;
Oui, je sais que je me relèverai, battante,
Et que bientôt j'emplirai le ciel
D'éclats de rire
Et de lumière joyeuse
Mais il me reste tant à apprendre
Avant de pouvoir être heureuse.
Je ne sais pas,
De mes erreurs
Ou de mes blessures les plus profondes,
Laquelle sera, pour m’enseigner à vivre,
La plus féconde.
Je les sens
Glisser et glisser
Le long de mes joues,
Comme des rêves
Enfouis dans la neige
Gentiment, elles roulent.
Alors je m'arrête à la fenêtre
Et je m'assois
Dans le froid de l'hiver.
La brise, la distance, le vent,
Me donnent un peu de temps
Pour me reposer
Et réfléchir.
Je peux tout voir clairement
À vol d'oiseau.
Tous les jours que j'ai reniés
Me battant rageusement pour oublier
Je n'ai jamais voulu comprendre
Qu'avant de pouvoir nous retrouver,
Il me restait encore tant à pleurer. —
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#3 - Ce dont les femmes parlent entre elles
Je me souviens. C’est le livre qui a tout déclenché. La paranoïa, la fuite, le fait de errer d’un bout à l’autre de la ville… C’était le livre. (…) Je m’étais dit que ça ne ferait pas de mal de le feuilleter. J’avais tort. (…)
N’en déplaisent à ces messieurs, de leurs mères —
“De l’emprise à l’abus narcissique.
(...) L’abus narcissique est la projection du parent sur l’enfant, dont les dons sont exploités non pour développer ses propres ressources mais pour combler les besoins de gratification du parent. (...) C’est un abus identitaire, la fillette étant mise à une place qui n’est pas la sienne et, corrélativement, dépossédée de sa propre identité par celle-là même qui a charge de l’aider à se construire. (...)
Le surinvestissement par la mère s’accompagne d’un déficit d’amour réel, que l’enfant transforme en défaut d’estime de soi, insatiable demande de reconnaissance et besoin d’amour inassouvi. L’enfant “doué” ne cesse de multiplier les prouesses pour mériter par ses dons un amour toujours insatisfaisant car jamais dirigé vers lui-même, pour lui-même. (...)” ¹
[Journal, oct. 2018:] Je n’arrive pas à continuer. C’est terrifiant. C’est comme si ce livre était un oracle de ma vie. Tout y est: le mal-être, la boulimie, l’envie de me faire du mal, de m’affamer, m’affamer jusqu’à disparaître. Les pires choses que je n’ose pas m’avouer. (…) J’ai peur. Le bureau du Dr. Matthieu est fermé, je n’ai nulle part où aller.
Je me souviens. C’est le livre qui a tout déclenché. La paranoïa, la fuite, le fait de errer d’un bout à l’autre de la ville… C’était le livre. Dans mes délires fantomatiques, j’avais fini à la bibliothèque et je m’étais retrouvée nez à nez avec cet ouvrage — Mères-filles: une relation à trois. Par curiosité, je l’ouvrai. Je m’étais dit que ça ne ferait pas de mal de le feuilleter. J’avais tort.
“L’enfant prodige est clivé entre petitesse et grandeur, haine et amour de soi, intériorité de l’être et extériorisation par le faire, obscurité d’une souffrance secrète et lumières d’une gloire vainement offerte. Tel est en effet le destin de la fillette lorsque sa mère, oublieuse de sa propre identité de femme, l’a chargée de réaliser ses aspirations à sa place.” ²
En survolant les pages, c’est comme si le reste du monde s’était dérobé sous mes pieds. J’avais l’impression d’être observée. “Ce besoin d’amour ne peut jamais être comblé parce que les marques de sollicitude ne s’adressent jamais réellement à l’enfant.”
C’était une blague, n’est-ce pas? Quelqu’un l’avait laissé là, le bouquin, juste pour se foutre de moi?
[Maria, du film Bellissima] serait sans doute devenue une jeune fille brillante [s’il elle avait eu un don particulier] mais néanmoins, toujours avide de satisfactions narcissiques, alternant périodes d’excitation et de dépression, de suractivité et de passivité, toujours désireuse de plaire mais généralement peu aimée, probablement boulimique en même temps que soucieuse de sa ligne, affectivement immature autant que sexuellement très avertie.” ³
De là, quelque chose a craqué à l’intérieur de mon crâne. J’ai vu la vérité. J’étais dans l’œil du cyclone, très sereine tout à coup car tout m’est apparu comme une puissante révélation, avec une seule issue possible: la fuite ou la mort.
Pensez à Raiponce, qui n’a jamais touché au réel, même du bout des doigts. Faute de savoir de quoi il est fait, elle a imaginé un monde. Et dans ce monde-ci, tous les personnages de l’histoire lui veulent du mal. Et elle a raison, parce que sa sans voix à elle, chacun est libre de mettre des mots dans sa bouche qu’elle n’a jamais voulu. Mais la question qui libère au fond, ce n’est pas: Qui m’aime, réellement? Et qui prétend depuis toujours?
C’est plutôt: Qui a le plus à gagner si Raiponce reste dans sa tour?
“MARIA (à sa mère) — : Tu sais ce qui m’aiderait en fait? Que tu m’aimes moins.” —
¹ , ² , ³ : Mère-fille: une relation à trois, C. Eliache , N. Heinich (2010), Albin Michel — “Quand des femmes se retrouvent (...), de quoi parlent-elles ? N'en déplaisent à ces messieurs, de leurs mères. C'est ce que soutiennent Caroline Eliache et Nathalie Heinich dans leur ouvrage consacré à la relation mères-filles.”
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