L’attrapeur de rêves
Un poème sur le deuil.
Enfant de la lune, et des étoiles,
Cheveux d’ébène au teint pâle,
Ça fait longtemps que tu marches,
Que tu parcours le chemin.
N’auras-tu pas le mal du pays un matin?
On s’inquiète trop des ciels qui ne répondent pas.
Les étoiles continuent d’être,
Même si de jour, on ne les voit pas.
Les soirs d’été, on entend rire,
Son de clochette.
Sortie de nulle part, une voix espiègle:
Dors, ce soir, sois tranquille.
Cette fois c’est moi qui te regarderai dormir.
Et le mirage, c’était d’apercevoir un garçon sauter dans les jardins,
Faire signe.
N’aie pas peur,
Si tu te lèves demain,
Avec mon nom à l’intérieur.
Cette intuition,
C’était juste moi, qui, un instant,
Voulait rentrer à la maison. —
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Le signe
(Texte original: Anglais — traduction à la fin ↓↓↓)
The sign
It’s like a shadow over me.
It rains on me.
Acid rain,
Guilt in its very essence
I feel them looking,
And I wish they’d stop.
It’s too much,
Holding their gaze and hear her breath
Whispering again
That I survived.
I survived.
There must be something I need to do in return.
You understand, I cannot sleep anymore.
I cannot look at the sky in awe,
And wish,
And wait
For a grand sign.
I’m alive.
I am the sign. —
Le signe
C'est comme une ombre sur moi.
Qui tombe sur mes épaules.
Une pluie acide, une grêle,
La culpabilité dans son essence même.
Je sens qu'ils regardent, qu’ils se taisent
Et j'aimerais qu'ils arrêtent.
C'est trop,
Je retiens leur regard et je l'entends, elle,
Chuchoter à nouveau
Que j'ai survécu.
J'ai survécu.
Il doit y avoir quelque chose que je dois faire en retour, non?
Tu comprends, je ne peux plus dormir.
Je ne peux plus regarder vers le haut, stupéfaite,
Et prier,
Et attendre du ciel
Un grand signe.
Je suis vivante.
Je suis le signe. —
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#8 - El después
Las estrellas nacen de su propio colapso. Habrá que recordar esta frase. Nos será útil más adelante. Entonces sucede. Un día, así, sin más. Ya sea por elección propia o porque la vida así lo ha decidido. De repente, todo lo que conocíamos (…)
Las estrellas nacen de su propio colapso. Habrá que recordar esta frase. Nos será útil más adelante. Entonces sucede. Un día, así, sin avisar. Ya sea por elección propia o porque la vida así lo ha decidido. De repente, todo lo que conocíamos desaparece/ha desaparecido, la frontera no está muy clara y es como ver la orilla alejarse desde la popa de un barco. Aún no nos hemos dado cuenta de lo que acaba de pasar, pero cuando la Madre Tierra ya no es más que un punto en el horizonte, nos damos cuenta de que es un billete de ida que llevamos en el bolsillo y que es demasiado tarde para saltar al agua.
Las cosas nunca volverán a ser iguales.
Pues se necesita un año para recuperarse después de un golpe duro. Mamá tenía razón. Un año atravesando el valle oscuro. Y una mañana, por fin, sale el sol. Cerramos los ojos, por reflejo, y el duelo vuelve a ser lo que siempre ha sido: un compañero de viaje no invitado.
En el fondo del abismo, las paredes se abren. Al otro lado se oye el ruido de los coches y de los niños jugando. Qué extraño parece todo de repente. ¿Tenemos derecho a hacer esto? ¿A seguir viviendo después de que un mundo se haya derrumbado? Avanzamos descalzos, observando a los peatones y a la vida que continúa... Parece que no lo saben. Habría que decírselo: lo he perdido todo.
Pero el instinto de supervivencia... El instinto de supervivencia es esa fuerza inmutable que impulsa la sangre por las venas y hace que las pestañas se agiten al despertar, y sigue el olor de los cruasanes en la calle. El instinto de supervivencia es el traidor del alma perdida que solo quiere eso: perderse. Porque es imposible luchar contra ello. La vida no pide permiso para entrar.
Como una brizna de hierba que crece entre las losas de la acera. O una sonrisa que confunde, que nos hace sonrojar, o una risa que se nos escapa. Entra a patadas, incluso sin bajar la guardia.
Caminar, pues. Es todo lo que he hecho desde que llegué a Barcelona. Caminar para recapacitar, para reconocerme, reconstruirme. He dejado cosas atrás, el tiempo pasando, he escrito pequeñas frases en trocitos de papel y las he abandonado en la playa. Sin darme cuenta, sucedió. Porque la vida no pide permiso para entrar. He vuelto a disfrutar de los días bonitos.
Deambulando así, durante esos largos meses de invierno y de primavera lluviosa, aprendí a seguir esas pequeñas cosas que de vez en cuando me arrancaban una sonrisa. Como migas de pan en el camino. Las recogí, una a una. No estaba preparada para vivirlas, pero las guardé, por si acaso, para más adelante.
Y desde lo más profundo de mi noche, sucedió. Vi una pequeña luz¹ encenderse. Era un martes del mes de septiembre. Había un papelito pegado a un semáforo. Lo arranqué para llevármelo y, poco sabía entonces, que lo iba a cambiar todo. —
¹ : Little Light, es el nombre del coro de Gospel donde canto desde el 2022. Little Light Gospel Choir, que significa: pequeña luz.
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#8 - L’après
Les étoiles naissent de l’effondrement. Il faudra se souvenir de cette phrase. Elle nous servira plus tard. Alors ça arrive. Un jour, comme ça. Soit par choix, soit parce que la vie en a décidé ainsi. Soudain, tout ce qu’on a toujours connu jusque-là disparaît/a disparu, la limite est floue, et (…)
Les étoiles naissent de l’effondrement. Il faudra se souvenir de cette phrase. Elle nous servira plus tard. Alors ça arrive. Un jour, comme ça. Soit par choix, soit parce que la vie en a décidé ainsi. Soudain, tout ce qu’on a toujours connu jusque-là disparaît/a disparu, la limite est floue, et c’est comme regarder la rive s’éloigner depuis l’arrière d’un bateau. On n’a pas encore réalisé ce qui vient de se passer mais quand la terre-mère n’est plus qu’un point à l’horizon, on se rend compte que c’est un billet “aller simple” qu’on a dans les poches et qu’il est trop tard pour se jeter à l’eau.
Les choses ne seront plus jamais les mêmes.
Il faut un an, alors, pour se remettre sur ses jambes après un coup dur. Maman avait raison. Un an à cheminer à travers la vallée obscure. Puis un matin, le soleil se lève. On ferme les yeux, par réflexe et le deuil redevient ce qu’il a toujours été: un compagnon de route non-invité.
Au fond du gouffre, les parois s’ouvrent. De l’autre côté, il y a le bruit des voitures et des enfants qui jouent. Comme tout paraît étrange tout à coup. Est-ce qu’on a le droit de faire ça? De continuer à vivre après qu’un monde s’écroule? On avance, pieds nus, en observant les passants et la vie qui continue... Ils ont l’air de ne pas savoir. Il faudrait le leur dire: j’ai tout perdu.
Mais l’instinct de survie… L’instinct de survie, c’est cette force immuable qui propulse le sang dans les veines et fait battre les cils au réveil et qui suit l’odeur des croissants dans la rue. L’instinct de survie c’est le traître à l’âme en perdition qui ne veut que ça: se perdre. Parce que c’est impossible de lutter contre. La vie ne demande pas de permission pour entrer.
Comme un brin d’herbe qui pousse entre les dalles du trottoir. Ou un sourire qui confond, un rire qui nous échappe. Ça entre, à coups de pied dans la porte, même sans baisser sa garde.
Marcher, alors. Je n’ai fait que ça depuis que je suis arrivée à Barcelone. Marcher pour réfléchir, marcher pour me reconnaître, pour me reconstruire. J’ai semé des choses derrière moi, j’ai laissé de l’eau couler sous les ponts, j’ai écrit des petites phrases sur des morceaux de papier et je les ai abandonnés sur la plage. Sans m’en rendre compte, c’est arrivé. Parce que la vie ne demande pas de permission pour entrer. J’ai repris goût aux belles journées.
En errant ainsi, durant ces longs mois d’hiver et de printemps humide, j’ai appris à suivre ces petites choses qui arrivaient à me voler un sourire de temps en temps. Comme des miettes de pains sur la route. Je les ai ramassées, une à une. Je n’étais pas prête à les vivre, mais je les ai gardées, juste au cas où, pour plus tard.
Et du fond de ma nuit, c’est arrivé. J’ai vu une petite lumière¹ s’allumer. C’était un mardi, du mois de septembre. Il y avait un petit papier collé à un feu rouge. J’ai tiré dessus pour l’emporter et depuis, tout a changé. —
¹ : Little Light, c’est le nom de la chorale de Gospel dans laquelle je chante depuis 2022. Little Light Gospel Choir.
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#7 - Hay que seguir
Quelques fois j’en ai assez de raconter des histoires. De faire des petits dessins délicats et “pleins de sensibilité”. De raconter les choses du point de vue de la résilience. Tu as de la chance. Tu as eu tellement de chance. Si je pouvais, je vomirai cette phrase. Quelques fois, j’ai envie de hurler quand (…)
Quelques fois j’en ai assez de raconter des histoires. De faire des petits dessins délicats et “pleins de sensibilité”. De raconter les choses du point de vue de la résilience. Tu as de la chance. Tu as eu tellement de chance. Je ne le nierai pas, mais si je pouvais, je vomirai cette phrase.
Quelques fois, j’ai envie de hurler quand on me dit que j’ai du courage. Je n’ai pas envie d’avoir du courage. J’aimerais vivre une vie normale.
Passer une nuit sans cauchemar. Faire les courses sans souffrir une attaque d’anxiété. Avoir vingt-neuf ans et ne pas toujours dépendre de mes parents pour manger.
Quelques fois, j’aimerais arrêter de rire. Revenir à ce moment où j’étais aveugle et me secouer, me gifler. “Bon Dieu, arrête de sourire”. Car les rires faisaient tout. Ils cachaient tout. Justifiaient tout. Tu avais les mains sur moi et je riais.
Et la nuit, quand je ferme les yeux, il n’y a que ça. Toi et moi sur la rambarde. Toi et moi dans un parc. Toi et moi en secret. En secret innocent. J’aimerais tout vomir de toi et moi et de tous ces gens qui n’ont cessé de me répéter à quel point j’ai eu de la chance dans la vie.
“Est-ce que c’est à ça que la chance ressemble pour toi?
C’est la dernière fois que je me retourne.” ¹
Quelques fois, je voudrais juste que les objets redeviennent des objets, et non plus des symboles. Qu’une ville redevienne un point sur une carte et non plus la source de tous mes malheurs.
Mais j’ai eu du courage. Et j’ai osé parler. Alors il n’y a pas de retour en arrière. Plus de matins anodins, ni de rires sans douleur. Il faut ré-apprendre à voyager en bus toute seule, et ne plus sursauter quand un inconnu nous parle. Il faut se rappeler comment on calme un enfant paniqué, et faire ça pour soi-même. Il faut être en colère pour une fois et ne plus tout pardonner pour le bien… de qui, déjà? Accepter que ceux qui sont partis ont fait un vrai choix.
Alors on peut pleurer sur le chemin, être terrifié, brisé ou exténué, même faire semblant pour un temps. Mais quoi qu’il arrive, hay que seguir. Trouver la force, et aller de l’avant. —
¹ : Poème J’ai entendu dire.
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#7 - Hay que seguir
Hay veces que me canso de contar historias bonitas. De hacer dibujitos delicados y “llenos de sensibilidad”. De escribir las cosas desde la perspectiva de la resiliencia. Tienes suerte. Has tenido tanta suerte en la vida. No lo negaré, pero si pudiera, vomitaría esa frase. A veces, me da ganas de gritar cuando (…)
Hay veces que me canso de contar historias bonitas. De hacer dibujitos delicados y “llenos de sensibilidad”. De escribir las cosas desde la perspectiva de la resiliencia. Tienes suerte. Has tenido mucha suerte en la vida. No lo negaré, pero si pudiera, vomitaría esta frase.
A veces, me da ganas de gritar cuando escucho que soy valiente. No quiero ser valiente. Quiero llevar una vida normal.
Pasar una noche sin pesadillas. Ir al supermercado sin sufrir un ataque de ansiedad. Tener veintinueve años y no todavía depender de mis padres para comer.
A veces, me gustaría parar de reír. Volver a ese momento en el que estaba ciega y sacudirme, abofetearme. «Por Dios, deja de sonreír». Porque las risas lo hacían todo. Lo ocultaban, lo justificaban todo. Tú me tocabas en la sombra y yo me reía, muerta por dentro.
Y por la noche, cuando cierro los ojos, no veo nada más que eso. Tú y yo en la barandilla. Tú y yo en el parque. Tú y yo en secreto. En un secreto inocente. Quisiera vomitar todo de ti, de mí y de toda esa gente que nunca dejó de decirme lo afortunada que era en la vida.
“¿Todo lo que tuve que afrontar se llama suerte para ti?
Es la última vez que miro atrás.” ¹
A veces, solo quisiera que los objetos volvieran a ser objetos, y no símbolos. Que una ciudad volviera a ser un simple punto en un mapa y no la fuente de todas mis desgracias.
Pero tuve valor. Y me atreví a hablar. Así que ya no hay vuelta atrás. Ni mañanas anodinas, ni risas sin dolor. Hay que volver a aprender a viajar sola en autobús y a no sobresaltarse cuando un desconocido nos habla. Hay que recordar cómo se calma a un niño asustado y hacerlo por uno mismo. Hay que enfadarse por una vez y dejar de perdonarlo todo por el bien... ¿de quién, ya? Aceptar que los que se han ido han tomado una decisión.
Así que podemos llorar por el camino, sentirnos aterrorizados, destrozados o agotados, incluso fingir que estamos bien durante un tiempo. Pero pase lo que pase, hay que seguir. Encontrar la fuerza y adelante: seguir.
¹ : Del poema He oído decir.
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#7 - Hay que seguir
Sometimes I get tired of telling nice stories. Of making delicate, “sweet little drawings”. Of telling things from the perspective of resilience. You're lucky. You've been so lucky in life. I won’t deny it, but if I could, I’d throw up that sentence. Sometimes I want to scream when (…)
Sometimes I get tired of telling nice stories. Of making delicate, “sweet little drawings”. Of telling things from the perspective of resilience. You're lucky. You've been so lucky in life. I won’t deny it, but if I could, I’d throw up that sentence.
Sometimes I want to scream when people tell me I'm brave. I don't want to be brave. I want to live a normal life.
Spend a night without nightmares. Go grocery shopping without suffering a panic attack. Be twenty-nine years old and not still depend on my parents for food.
Sometimes, I wish I could stop laughing. Go back to that moment when I was blind and shake myself, get a good slap on the face. ‘For God's sake, stop smiling!’ Because laughter was everything. It hid everything. Justified everything. You had your hands on me and I was laughing.
And at night, when I close my eyes, I see nothing but that. You and me on the railing. You and me in the park. You and me in secret. In innocent secret. I'd like to vomit everything about you and me and all those people who never stopped telling me how lucky I've been in life.
“Is that what lucky means to you?
This is the last time I look back.” ¹
Sometimes, I just wish objects could become objects again, rather than symbols. I wish a city could be just a dot on a map, rather than the source of all my misery.
But I found the courage. And I dared to speak up. So there's no going back, no more mundane mornings, or laughter without pain. I have to learn how to take the bus again, alone, and not jump when a stranger speaks to me. I have to remember how to calm a panicked child, and do that for myself, every time. Be angry for once and stop forgiving everything for the sake of... whose good, again? Accept that those who left made a real choice.
So we may cry along the way, be terrified, broken or exhausted, even pretend to be okay with that for a while. But whatever happens, hay que seguir. Find the strength and keep going. —
¹ : From the poem I’ve heard it said.
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#4 - Le lendemain
L’horreur de l’acte, c’est que j’avais tout préparé à l’avance. Le sac à dos, les indispensables, le passeport. Quelques jours plus tard, on m’attendrait à l’aéroport. À ce moment-là, je n’avais vu que deux solutions possibles: la fuite ou la mort et j’avais choisi les deux. J’étais partie en la tuant elle, Eva (…)
“1) LA SEPARATION NECESSAIRE:
L’envie de disparaître soi-même ou de voir disparaître l’autre est le signal ultime d’un appel au secours qu’il est vital d’entendre. Derrière ce désir (que “ça s’arrête”) il y a l’appel de la vie.” ¹
L’appel de la vie. — Genèse 19:17
J’avais cru voir un éclair. Il était 6h18, ou quelque chose comme ça. Il était 6h14, en fait, la dernière fois que j’avais regardé l’heure mais il fallait bien quatre minutes pour enfiler ses chaussures, déverrouiller la porte et foutre le camp.
L’horreur de l’acte, c’est que j’avais tout préparé à l’avance. Le sac à dos, les indispensables, le passeport. Quelques jours plus tard, on m’attendrait à l’aéroport. À ce moment-là, je n’avais vu que deux solutions possibles: la fuite ou la mort et j’avais choisi les deux. J’étais partie en la tuant elle, Eva, l’enfant qu’on connaissait tous. Et j’étais née, moi, sans nom encore, sans destination. Le même petit fantôme qui s’efforçait de faire croire à l’audience qu’il était là.
Dans la rue encore sombre, je pensais à Lot. Des bruits me firent sursauter. C’était le boulanger qui s’apprêtait à ouvrir. J’accélérai le pas. Ils dorment encore, tu penses? Mais à qui tu parles? Juste un instant, le ciel s’intensifia, bleu outremer. L’aube n’allait plus tarder.
J’avais choisi un banc au milieu de la plaine, juste en face des montagnes pour regarder le ciel. Il restait encore quelques étoiles. Ça me paraissait être un endroit intéressant pour commencer à vivre. Mais un SDF — je l’avais vu venir de loin — s’approchait en titubant et j’avais peur qu’il vienne me parler. Il s’approcha, s’approcha, parla mais tout seul et continua son chemin. Je relâchai la pression. J’en revins donc à mon aurore et à cette autre phrase de la Genèse:
“Le soleil se levait sur la Terre lorsque Lot entra dans Tsoar” ²
J’aurais pu ne pas les décevoir. C’est vrai. Ne pas leur briser le coeur. J’aurais pu pousser mon dernier souffle aussi, mais ça, ils ne le sauront jamais. Pour eux, je ne serai que l’enfant disparue désormais. Si j’avais choisi la mort, ils m’auraient pleuré. Mais comme j’ai choisi la vie, ils auront tout le temps de me haïr à loisir. Ce n’est pas grave. C’est important. Il faut prendre le temps de faire ces choses-là.
Mais ensuite, il faudra vous reconstruire… Moi, j’avais prévu de regarder l’aube se lever. Une raison de vivre, alors. Jusqu’à ce que je me pose à nouveau la question. Le bleu se muait, c’était un beau céruléen à présent, qui se chargeait d’or à vue d’oeil. J’attendais mon tour.
Au loin, une femme marchait rapidement. Je voyais sa silhouette se détacher sur la plaine. Elle rebroussa chemin et remonta l’avenue. Elle sortit de mon champ de vision et réapparut un moment plus tard, juste devant moi, agitée. Elle commença à vider son sac. Je la regardais, hébétée, comme si elle parlait une langue étrangère. Elle expliquait qu’elle était à la recherche de son fils. Qu’elle s’était réveillée le matin même vers 5h et qu’elle ne l’avait pas trouvé dans son lit. “15 ans. Les cheveux bruns, un T-shirt blanc, de cette taille à peu près... Je ne le punirai pas, tu sais. Je veux juste le retrouver.” Elle avait l’air pitoyable, j’aurais voulu l’aider.
Le problème de cette femme — et elle l’ignorait, bien sûr — c’est qu’elle me montrait ce que les mères ressentent lorsqu’elles ne trouvent pas leur progéniture dans leur lit, là où ils devraient être. Et ce n’était vraiment pas le moment. J’ai hoché la tête en murmurant: “Désolée”.
C’était une scène étrange, parce qu’il n’y avait pas cette ambiance de solitude absolue qui accompagne tous les grands moments d’un personnage faisant face à son destin. J’avais fait le saut de l’ange. Tout abandonné derrière moi. Famille, maison, confort, travail… J’étais à la rue. Je n’avais pris qu’une paire de jeans et un vieux passeport. Pour moi, c’était l’aventure d’une vie. Pour le boulanger, la mère, le SDF, c’était un matin comme les autres.
Il n’y avait qu’une personne au monde qui pourrait comprendre le caractère exceptionnel de cette journée. Et la dernière chose que j’avais fait avec elle, c’était de ramasser du verre brisé. Cette idée m’obsède. —
¹ : Mère-fille: une relation à trois, C. Eliache , N. Heinich (2010), Albin Michel.
² : Genèse 19:23.
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#4 - El día después
El horror del acto es que lo había preparado todo. La mochila, lo imprescindible, el pasaporte. Unos días después me esperarían en el aeropuerto. En aquel momento decisivo, sólo había visto dos finales posibles a esta historia: escaparme o morir, y elegí ambos. Me fui matándole a ella, la Eva que todos (…)
1) LA SEPARACIÓN NECESARIA:
El deseo de desaparecer uno mismo o de ver desaparecer al otro es la señal máxima de un grito de ayuda que es vital escuchar. Detrás de este deseo (de “que pare”) está la llamada de la vida.” ¹
La llamada de la vida. — Génesis 19:17
Me pareció ver un rayo. Eran las 6:18h de la mañana, o algo así. De hecho, la última vez que miré el reloj eran las 6:14h, pero tardé bien cuatro minutos en ponerme los zapatos, abrir la puerta y salir pitando.
El horror del acto es que lo había preparado todo. La mochila, lo imprescindible, el pasaporte. Unos días después me esperarían en el aeropuerto. En aquel momento decisivo, sólo había visto dos finales posibles a esta historia: escaparme o morir, y elegí ambos. Me fui matándole a ella, la Eva que todos conocíamos, y nací yo, sin nombre todavía, sin destino. El mismo pequeño fantasma que intentaba hacer creer al público que aquí estaba.
En la calle, todo estaba oscuro aún. Pensaba en Lot. Sobresalté por algunos ruidos, pero me di cuenta de que era simplemente el panadero preparándose para abrir. Seguí mi camino, un poco más rápido. ¿Crees que todavía están durmiendo? ¿Pero con quién estás hablando? pensé. Un momento, el cielo se intensificó — un profundo azul marino. Entonces supe que no tardaría en amanecer.
Elegí un banco en medio de la explanada, frente a las montañas, para mirar el cielo. Todavía quedaban algunas estrellas. Me pareció un lugar interesante para empezar a vivir. Un indigente, que vi venir desde lejos, se acercaba tambaleándose y tuve miedo de que viniera a hablar conmigo. Se acercó, se acercó, habló, pero consigo mismo, y siguió su camino. Suspiré. Así que volví a mi amanecer y a esta otra frase del Génesis:
“El sol salía sobre la tierra cuando Lot llegó a Zoar.” ²
Podría haber evitado decepcionarlos. Es cierto. Podría haber evitado romperlos el corazón, huyendo de casa así. Pero podría haber dado mi último aliento también, y eso nunca lo sabrán. Para ellos, seré simplemente la niña desaparecida. Si hubiera elegido la muerte, me habrían llorado. Pero como elegí la vida, les sobrarán tiempo para odiarme ahora. Está bien. Hay que tomar el tiempo para hacer estas cosas. Es importante.
Pero luego tendréis que reconstruiros… Yo había decidido ver al sol salir. Una razón para vivir, entonces. Hasta volver a hacerme la pregunta... El azul estaba cambiando — ahora un hermoso cerúleo, volviéndose dorado. Yo esperaba mi turno.
A lo lejos, una mujer caminaba deprisa. Podía ver su silueta paseando de un lado a otro de la avenida. Desapareció de mi campo de visión y reapareció un momento después, frente a mí, agitada. Empezó a hablar y hablar ; yo la miraba, aturdida, como si estuviera hablando otro idioma. Me explicó que estaba buscando a su hijo. Que se había despertado sobre las 5h de la mañana y que él no estaba en su cama. “Tiene 15 años. Pelo castaño, camiseta blanca, más o menos de esta altura... No voy a castigarlo, ¿sabes? Sólo quiero encontrarlo.” Me dió pena, quería ayudarla.
El problema con esta mujer — y lo ignoraba, desde luego — era que me estaba enseñando cómo se sienten las madres cuando no encuentran a sus crías en la cama, donde deberían estar. Y de verdad que no era el momento. Sacudí la cabeza y susurré «lo siento».
Era una escena extraña, porque no había esa atmósfera de soledad absoluta que acompaña a todos los grandes momentos de un personaje enfrentándose a su destino. Había dado el salto. Lo había dejado todo. Familia, hogar, comodidades, trabajo... No tenía adónde ir, y me dirigía allí con un par de viejos tejanos y un pasaporte pronto caducado. Para mí, era la aventura de mi vida. Para el panadero, la madre, el vagabundo, era una mañana como cualquier otra.
Sólo había una persona en el mundo que podía entender la naturaleza excepcional de aquel día. Y lo último que hice con ella fue recoger cristales rotos. Esta idea me obsesiona. —
¹ : C. Eliacheff, N. Heinich, Mère-fille: une relation à trois, (2010), Ed. Albin Michel.
² : Génesis, 19:23
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#4 - The next day
The horror of it all was that I had prepared everything in advance. Backpack, passport, essentials. A few days later, they’d be waiting for me at the airport. At that moment, I’d imagined only two possible endings to that story: escape, or death and I had chosen both. I was leaving killing her, the Eva everybody (…)
“1) THE NECESSARY SEPARATION:
The desire to disappear or to see the other disappear is the ultimate signal of a cry for help that is vital to hear. Behind this desire (for ‘it to stop’) is the call of life.’” ¹
The call of life. — Genesis 19:17
I thought I saw a flash of lightning. It was 6:18 am, or something like that. It was 6:14, actually, last time I looked, but I guess it takes a good four minutes to put your shoes on, unlock the door and get the hell out.
The horror of it all was that I had prepared everything in advance. Backpack, passport, essentials. A few days later, they’d be waiting for me at the airport. At that moment, I’d imagined only two possible endings to that story: escape, or death and I had chosen both. I was leaving killing her, the Eva everybody remembered. And I was born, me, nameless still, with nowhere to go. Same little ghost who was trying to convince the public that yes, it was there.
In the street, everything was dark, still. I was thinking about Lot. I got startled by noises, but it was just the baker getting ready to open. I went on a bit faster. They’re still sleeping, you think? But who are you talking to? I thought. Just for a moment, the sky intensified — an ultramarine blue. So I knew it wouldn't be long before dawn.
I chose a bench in the middle of the esplanade, facing the mountains, to look at the sky. There were still a few stars. It seemed like an interesting place to start living. A homeless man — I saw him coming from a distance — was approaching, staggering, and I was afraid he would come and talk to me. He came closer, and closer, spoke, but to himself, and continued on his way. I sighed. So I came back to my dawn and to this other sentence from Genesis:
‘The sun had risen upon the earth when Lot entered Zoar.’ ²
I could have NOT disappointed them. True. Not broken their hearts, leaving home like that. But I could have breathed my last too, and about that, they'll never know. For them, I'll just be the missing child from now on. If I had chosen death, they would have mourned me. But as I chose life, they'll have plenty of time to hate me… It’s okay. You have to take the time to do these things. It's important.
But then you’ll have to rebuild yourselves… Personally, I planned to watch the sun rise. That was one reason to live. Until I asked myself the question again. The blue was changing for a beautiful cerulean, now turning gold. I was waiting my turn.
In the distance, a woman was walking quickly. I could see her silhouette pacing up and down the avenue. She disappeared from my field of vision and reappeared a moment later, right in front of me, agitated. She started talking and talking ; I stared at her, dazed, as if she were speaking a foreign language. She explained that she was looking for her son. That she had woken up around 5am that morning and didn’t find him there. ‘15 years old. Brown hair, white T-shirt, about this size... I won’t punish him, you know. I just want to find him.’ She looked pitiful, I wanted to help her.
The problem with this woman — and she had no idea, of course — was that she was showing me how mothers feel when they can't find their offspring in their bed, where they belong. And it was really not the right time. I nodded and muttered ‘Sorry’.
It was a strange scene, because there wasn’t this atmosphere of absolute solitude that usually goes with all the great moments of a character facing his destiny. I had taken the leap. Left everything behind. Family, work, comfort, home… I had nowhere to go, and I was going there with a pair of old jeans and a soon-expired passport. For me, it was the adventure of a lifetime. For the baker, the mother, the homeless man, it was a morning like any other. There was only one person in the world who could understand the exceptional nature of this day. And the last thing I'd done with her was pick up broken glass. This idea has obsessed me since. —
¹ : C. Eliacheff, N. Heinich, Mère-fille: une relation à trois, (2010), Ed. Albin Michel.
² : Genesis, 19:23
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#2 - L’errance des grands jours
C’est ma faute. J’avais établi, il y a longtemps, que quand les choses tourneraient mal, je me couperai simplement du reste du monde. Petite, tu te rappelles? J’appelais ça l’extinction. (…) Mais j’ai peur. Je crois que je suis restée bloquée, Lidy. Je n’arrive plus à en sortir. (…)
Octobre 2018 — À l’église.
Chère Lidy,
On cherche des endroits semblables à celui quand on souffre. Des endroits qui nous feraient sentir qu’on appartient encore à quelque chose… N’importe quoi.
Il n’y a personne alentour. J’ai la vague impression d'avoir déjà entendu ces murmures, vu ces vitraux — en rêve ou dans mes souvenirs, je suis déjà entrée par cette porte, j’en ai caressé le bois, j’en suis sûre. Je ne saurais dire si Dieu y était la dernière fois que j’ai foulé ce sol, mais je sais qu’une partie moi est morte entre ces murs.
J’ai passé la semaine à errer dans la ville. Je n’ai pas pu aller au cours de théâtre, je suis aphone et je ne peux pas être là, sur scène, devant les autres. Je n’en ai pas la force. (Je t’en supplie, ne dis rien, d’accord?)
C’est ma faute. J’avais établi il y a longtemps, que quand les choses tourneraient mal, je me couperai simplement du reste du monde. Petite, tu te rappelles? J’appelais ça l’extinction. Il suffit de fermer ses sens. On est comme une poupée de chiffon, on laisse le corps prendre les commandes. Les humiliations, les gestes à repousser, les choses à affronter, tout ça devient si lointain que plus rien ne peut nous toucher.
Mais j’ai peur. Je crois que je suis restée bloquée, Lidy. Je n’arrive plus à en sortir. Il a voulu que je m’agenouille l’autre jour et depuis, je ne suis pas revenue. Ce corps, je ne l’habite plus. J’ai pris un sac à dos, des affaires dedans, je n’ai même pas regardé… j’ai mis mes choses préférées, au hasard. J’ai tout fourré et depuis, j’ai passé mes après-midi à errer. De temps en temps, j’écris. Je bouge les doigts pour savoir si c’est fini. Et je pense à cette phrase du Petit Prince qui m’étouffe chaque fois que je la lis:
“Tu auras de la peine. J’aurai l’air d’être mort et ce ne sera pas vrai. (…) Tu comprends. C’est trop loin. Je ne peux pas emporter ce corps-là. C’est trop lourd.”
Sans trop savoir comment, je me suis retrouvée devant le théâtre. J’ai frappé à la porte. J’avais à la fois la nausée et l’espoir. On est mardi. Ça fait quatre. Quatre jours sans manger. Il a ouvert, s’est étonné. La classe ne commence qu’à six heures. Je l’ai poussé. Je lui ai dit que je ne serai pas là à six heures. J’ai grimpé les marches, je me suis tournée et face à la lumière, j’ai ré-essayé: Je suis là. J’ai dû le dire mille fois. Puis je me suis mise à pleurer. Il m’a pris dans ses bras. Je l’ai embrassé. Il n’a pas bronché. Comme si on savait depuis le début que ça finirait comme ça. Il m’a fait m’asseoir, pour respirer, m’a demandé ce qu’il se passait mais je ne sais pas faire ça: parler. Si j’avais su par où commencer, j’aurais hurlé. À la place, je l’ai embrassé à nouveau. On s’est emballé, il a pris ma main, l’a fait glisser. Il était dur, j’ai voulu reculer. Les hommes adorent ça, te faire sentir. Comme si c’était le plus grand des compliments, sans rire.
Je ne sais comment, j’ai fini par partir. Le soleil brûlait toute la ville. J’ai continué ma route en titubant mais je n’avais nulle part où aller. J’avais épuisé tous les sens du mot maison — la plume, le papier, la scène, les bras d’un être aimé. Ça ne voulait plus rien dire. Tout s’est éteint. Et tant qu’il existe, Lidy, je ne saurai revenir. —
À emporter :
Passeport
Chapelet
T-shirt Souris pour dormir
2 pantalons
6 culottes
6 paires de chaussettes
Veste bleue
Brosse à dents
Cercles, Yannick Haenel
NB : Cet épisode, c’était la veille du départ. Le lendemain, je partais pour Londres, où j’ai vécu trois ans.
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#2 - The wandering
It's my fault. I had established a long time ago that when things would go wrong, I’d simply cut myself off from the rest of the world. Remember when I was little? I used to call it “the extinction”. (…) But I'm scared. I think I'm stuck, Lidy. I can't get out of it. (…)
October 2018 — At church
Dear Lidy,
We look for places like this when we suffer. Places that would make us feel like we still belong to something... Anything.
There's no one around. I have the vague impression that I've heard these whispers before, seen these windows —in my dreams or in my memories, I have walked through this door, caressed its wood, I'm sure of it. I can’t say whether God was there or not last time I’ve walked this floor, but I know a part of me died within these walls.
I spent the week wandering around the city. I couldn't go to drama class because I've lost my voice and I can't be there on stage in front of everyone else. I don't have the strength. (Please don't say anything, okay?)
It's my fault. I had established a long time ago that when things would go wrong, I’d simply cut myself off from the rest of the world. Remember when I was a kid? I used to call it “the extinction”. It’s shutting down your senses. You're like a rag doll, you let your body take control. The humiliations, the gestures to resist, the things to face, all of it becomes so distant that nothing really touch you anymore.
But I'm scared. I think I'm stuck, Lidy. I can't get out of it. He wanted me to kneel down the other day and I haven't been back since. I don't live in this body anymore. I grabbed a backpack, threw some things in it, didn't even look... I just stuffed everything in and since then I've spent my afternoons wandering around. From time to time, I write. I move my fingers to see if it's over. And I think of that sentence from The Little Prince that suffocates me every time I read it:
“You will be sad. I'll look like I'm dead, and that won't be true. (…) You understand. It's too far. I can't take that body with me. It's too heavy.”
Without really knowing how or why, I ended up at the theater, knocking the front door. I felt both hopeful and nauseous. It's Tuesday. That's four. Four days without eating. He opened the door, surprised. Class doesn't start until six. I pushed him. I told him I wouldn't be there at six. I climbed the stairs, went up stage and, facing the light, I tried again: Here I am. I must have said it a thousand times. And then I started to cry. He took me in his arms. I kissed him. He didn't flinch. As if we knew from the beginning that it would end up like this. He made me sit down to breathe a second, then asked me what was going on, but I don't know how to do this: talk. If I had known where to start, I would have screamed out. Instead, I kissed him again. We got carried away, he took my hand, slid it in. He was hard, I wanted to pull away. Men love that, making you feel. Like it's the greatest compliment, no kidding.
Somehow, I left. The sun was beating down on the whole city. I staggered on, but I had nowhere to go. I had exhausted every meaning of the word “home” — the pen, the paper, the stage, the arms of a loved one. It no longer meant anything. Everything went dark. And as long as he exists, Lidy, I will never be able to return. —
To take with me:
Passport
Rosary
Sleeping Mouse T-shirt
2 pairs of pants
6 pairs of panties
6 pairs of socks
Blue jacket
Toothbrush
Makeup
Cercles, Yannick Haenel
NB: This episode was the day before my departure. The next day, I was leaving for London, where I lived for three years.
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