L’attrapeur de rêves

Un poème sur le deuil.

 

Enfant de la lune, et des étoiles, 

Cheveux d’ébène au teint pâle, 

Ça fait longtemps que tu marches, 

Que tu parcours le chemin.

N’auras-tu pas le mal du pays un matin? 

On s’inquiète trop des ciels qui ne répondent pas. 

Les étoiles continuent d’être, 

Même si de jour, on ne les voit pas. 

Les soirs d’été, on entend rire, 

Son de clochette.  

Sortie de nulle part, une voix espiègle: 

Dors, ce soir, sois tranquille. 

Cette fois c’est moi qui te regarderai dormir

Et le mirage, c’était d’apercevoir un garçon sauter dans les jardins, 

Faire signe. 

N’aie pas peur, 

Si tu te lèves demain,

Avec mon nom à l’intérieur. 

Cette intuition, 

C’était juste moi, qui, un instant, 

Voulait rentrer à la maison. — 


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Imparfaite

(Texte original: Anglais — traduction à la fin ↓↓↓)


Imperfect

I can read them

Again and again,

A thousand times on hand,

They won’t get any better

Or any worse.

They are what they are,

Poems,

Or better said:

I was born with these chains.

So I either touch the paper

And keep the thread,

Accept that who I was is who I am

Or I bleach it all,

Kill everything,

Make art as pure as souless

And be liked, at best.

I don’t recognise my voice

When I believe they stare,

I can’t give anything

If I still think: “I want to help”.

Be foolish, and expose myself?

And hope that this nauseating fear

Will let me breathe

Now and then?

Or wait.

Re-read, erase.

Do it all again.

Serve coffee, be safe

Until I leave this mortal shell.

I thought that

How bad I wanted this

Was useless to mention

So be brave,

Feel it:

There was a purpose to this imperfection. —


Imparfaite

Inspiré d’une phrase de Brianna Wiest, dans son livre: The Pivot Year

Mille fois,

Je peux les lire.

Encore et encore,

Les chuchoter,

Ou les fuir:

Ils ne s'amélioreront pas,

Ni ne seront pire.

Ils sont ce qu'ils sont,

Des poèmes.

Ou mieux dit encore:

Je suis née avec ces chaînes.

De deux choses l’une:

Soit je touche le papier,

Et je garde le fil,

J’accepte que celle que j'étais hier,

Dans celle que je suis, respire.

Ou bien je blanchis tout,

Je tue,

Je fais de l'art aussi pur que sans âme

Et dans le meilleur des cas, on applaudit.

Je ne reconnais pas ma voix

Quand je crois qu'ils me fixent;

Je ne peux rien donner de bon

Si je veux “aider”, réjouir.

Perdre les pédales, alors, et m'exposer ?

En espérant que cette peur nauséabonde

De temps en temps,

Me laissera respirer ?

Ou attendre.

Relire, effacer.

Tout recommencer.

Servir du café, en silence,

Faire la vaisselle,

Jusqu'à ce que je quitte cette enveloppe mortelle?

J'ai pensé que,

À quel point je voulais tout ça

Était clair.

Alors il faut le sentir, pour de bon,

Vivre avec :

Il y avait un but à cette imperfection.


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La rose

Un poème sur le deuil, que j’ai focalisé sur Marie pour que ce soit moins dur d’en parler.

 

Qu’est-ce qu’on pose

Aux pieds d’une mère

Qui a perdu son enfant?

Qu’est-ce qu’on dit?

Qu’est-ce qu’on chante?

Quelle douleur pourrait égaler

La tienne

Pour que je sente?

Pour que je ne te laisse pas seule

Dans ta détresse

Pour qu’un ciel d’orage se déchaine

Et suffise, enfin,

À égaler ta peine…

J’ai levé les yeux,

Dans les sables du désert

Je t’ai vu,

Sous ton voile,

Les joues maculées de terre,

Suppliant ;

Tu aurais pleuré du sang

Si on t’avait laissé faire.

Perdre un enfant,

C’est se faire amputer.

La vie n’a d’égale que sa propre cruauté.

C’est gonfler ses poumons

Et se demander

Pourquoi on est en bonne santé.

Je n’avais rien à t’offrir,

Maman,

Alors je t’ai regardé.

J’ai pleuré avec toi et,

Ridicule dans sa nudité,

C’est une rose

Que j’ai posé à tes pieds. —


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#5 - 29 Langthorne Street

Assise à l’aéroport, j’avais décidé que des Eva, il n’y en aurait plus. Toutes les versions de moi qui avaient existé, elles avaient été volées, brisées ou corrompues. Alors je cherchais une nouvelle identité. J’avais du temps devant moi et comme je n’existais plus, ça me paraissait le moment idéal. (…)

 

J’ai tant souhaité partir
Loin des sifflements du monde usé
Et du cri incessant des vieilles terreurs (…)

J’ai tant souhaité partir mais j’ai peur.
Une vie, encore neuve, pourrait exploser
Hors du vieux mensonge brûlant au sol
Et, crépitant dans l’air, me laisser à demi aveugle.
” ¹


S’il est vrai que les yeux sont les miroirs de l’âme, alors je sais pourquoi j’ai toujours eu peur de regarder les gens dans les yeux. L’idée qu’on puisse découvrir de quoi est fait mon moi intérieur me terrifie. Il y a de l’obscurité dans ma vie. 

Assise à l’aéroport, j’avais décidé que des Eva, il n’y en aurait plus. Toutes les versions de moi qui avaient existé, elles avaient été volées, brisées ou corrompues. Alors je cherchais une nouvelle identité. J’avais du temps devant moi et comme je n’existais plus, ça me paraissait le moment idéal.

Je voulais un nom d’homme, ça me donnerait un genre. Il faudrait me trouver une histoire qui allait avec, mais ça, j’avais l’habitude. Ce serait donc Dylan. Pourquoi pas? Ça sonnait bien pour un phœnix. Mais Dylan… quoi? J’essayais des noms british. Dylan Thornton? Dylan Smith? 

Dylan… Thomas? Cool. Oui, ça sonnait classe, j’aimais bien. Je m’imaginais la couverture d’un livre aux pages cornées avec mon nom dessus et il n’y aurait que moi qui saurait: Dylan Thomas, c’était moi. Je pris mon téléphone. On allait embarquer mais rapidement, je voulais voir: il y avait beaucoup de “Dylan Thomas” qui existaient déjà? Je regardai sur Google. D’un coup, j’étais livide.

Non seulement le nom “Dylan Thomas” était déjà pris mais en plus, c’était un écrivain, lui aussi. Un poète. Gallois. Et pas n’importe qui… Une pointure du XXème siècle. Comment pouvais-je ne PAS savoir ça? J’étais déçue. 

Plus tard, à Londres, alors que j’avais réussi à me faire une amie à laquelle j’avais pu confesser mon vrai nom, elle me dit: “Tu sais, ce n’est pas si fou. Il y a des tribus qui invitent leurs adolescents, lors des rites de passage à l’âge adulte, à se choisir un nouveau nom, pour marquer une nouvelle étape de leur vie. Les nonnes le font; les artistes, aussi. Pourquoi pas toi?” 

Elle avait raison. Je garderai le nom, alors, même s’il était accidentellement copié car je me sentais lié à lui de toute façon, au “fils de la vague” qui passait ses soirées au pub à lire et à griffonner des vers sans trop y penser.

Les trois années qui suivirent furent des années de formation. J’avais perdu toute racine, j’étais une plume flottant dans un ciel en guerre mais j’appris à mettre un pied devant l’autre, à survivre et ça m’a forgé le caractère. 

Dylan, peu de gens savent qu’elle a existé. Et juste une fois, je voulais qu’on en parle. Du droit de se ré-inventer. Partir ne résout rien, ils disent… On emmène ses problèmes dans la valise. Pourtant, sans ça, les choses n’auraient jamais changées. Le courage nécessaire à la fuite est trop souvent sous-estimé. Trois ans, j’ai pu vivre, grandir, m’affirmer. Puis, le moment venu, oui… il faut revenir. Et affronter.

L’obscurité est un chemin, disait-il. La lumière est un lieu.

(…)

 Mais l’obscurité est un long chemin. ²

Parce que le danger, quand on fuit, c’est de s’endormir. —


¹ : J’ai tant souhaité partir (Poème original: I have longed to move away), Dylan Thomas (le vrai).

² : Poème le jour de son anniversaire, (Poem on His Birthday), Dylan Thomas.


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