#3 - What women talk about amongst themselves
I remember. It was this book that started it all. The paranoia, the escape, the wandering from one end of the city to the other... It was the book. (…) Out of curiosity, I opened it. I thought it wouldn't hurt to flip through it. Well I was wrong.
With all due respect to these gentlemen, their mothers —
‘From control to narcissistic abuse:
(...) Narcissistic abuse is the projection of the parent onto the child, whose gifts are exploited not to develop her own resources but to satisfy the parent's need for gratification. (...) It is an abuse of identity, the little girl being put in a place that is not hers and, correlatively, dispossessed of her own identity by the very person responsible for helping her to grow. (...)
The mother's over-investment is accompanied by a lack of real love, which the child transforms into a lack of self-esteem, an insatiable demand for recognition and an unfulfilled need for love. The ‘gifted’ child never ceases to multiply her prowess in order to merit, through her gifts, a love that is always unsatisfying because never directed towards herself, for herself. (...) ¹
[Diary, Oct. 2018:] ‘I can't go on. It's terrifying. It's as if this book were an oracle of my life. It's all written down: the constant pain, the bulimia, the desire to hurt myself, to starve myself to death... the wish to disappear. The worst things I can't even confess to myself. (...) I'm scared. Dr M.’s office is closed and I have nowhere to go. The only thing I know: I can't go home.’
I remember. It was this book that started it all. The paranoia, the escape, the wandering from one end of the city to the other... It was the book. In my ghostly delusions, I ended up in the library and found myself face to face with this book — Mother-Daughter: A Relationship of Three. Out of curiosity, I opened it. I thought it wouldn't hurt to have a look at it. Well I was wrong.
The child prodigy is torn between smallness and greatness, self-hatred and self-love, the interiority of being and the exteriority of doing, the darkness of secret suffering and the light of a glory offered in vain. Such is indeed the fate of the little girl when her mother, oblivious to her own identity as a woman, has entrusted her with the task of realizing her aspirations in her place.’ ²
It was as if the world had slipped away from under my feet. I had the feeling that someone was observing me. ‘This need for love can never be fulfilled because the signs of solicitude are never really addressed to the child.’ It was joke, wasn’t it? Someone had let the damn book there, just to make fun of me.
‘[Maria, from the movie Bellissima] would undoubtedly have become a brilliant young woman [if she had had any special gift] but nevertheless, always hungry for narcissistic gratification, alternating periods of excitement and depression, overactivity and inertia, always eager to please but generally unloved, probably bulimic as well as concerned about her figure, emotionally immature as much as sexually savvy.’ ³
‘From there, something clicked inside my brain. I saw the truth. I was in the eye of the storm, suddenly very serene because everything appeared to me as a powerful revelation, with only one possible outcome: escape or death.’
Think about Rapunzel, who has never touched reality, not even close. Lacking knowledge of what it is made of, she has imagined a world. And in this world, all the characters in the story want to hurt her. And she is right, in a way, because without a voice of her own, everyone is free to put words in her mouth that she never wanted. But the liberating question is not: who is on my side, really? And who has been pretending all this time?
But rather: who has more to gain if Rapunzel stays in her tower?
MARIA (to her mother): You know what would actually help me? If you’d loved me less. —
¹, ², ³ : ‘When women get together(...), what do they talk about? With all due respect to these gentlemen, their mothers. So argue Caroline Eliache and Nathalie Heinich in their book on mother-daughter relationships.’ — C. Eliache , N. Heinich (2010). Mère-fille: une relation à trois. Ed. Albin Michel —
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#3 - Ce dont les femmes parlent entre elles
Je me souviens. C’est le livre qui a tout déclenché. La paranoïa, la fuite, le fait de errer d’un bout à l’autre de la ville… C’était le livre. (…) Je m’étais dit que ça ne ferait pas de mal de le feuilleter. J’avais tort. (…)
N’en déplaisent à ces messieurs, de leurs mères —
“De l’emprise à l’abus narcissique.
(...) L’abus narcissique est la projection du parent sur l’enfant, dont les dons sont exploités non pour développer ses propres ressources mais pour combler les besoins de gratification du parent. (...) C’est un abus identitaire, la fillette étant mise à une place qui n’est pas la sienne et, corrélativement, dépossédée de sa propre identité par celle-là même qui a charge de l’aider à se construire. (...)
Le surinvestissement par la mère s’accompagne d’un déficit d’amour réel, que l’enfant transforme en défaut d’estime de soi, insatiable demande de reconnaissance et besoin d’amour inassouvi. L’enfant “doué” ne cesse de multiplier les prouesses pour mériter par ses dons un amour toujours insatisfaisant car jamais dirigé vers lui-même, pour lui-même. (...)” ¹
[Journal, oct. 2018:] Je n’arrive pas à continuer. C’est terrifiant. C’est comme si ce livre était un oracle de ma vie. Tout y est: le mal-être, la boulimie, l’envie de me faire du mal, de m’affamer, m’affamer jusqu’à disparaître. Les pires choses que je n’ose pas m’avouer. (…) J’ai peur. Le bureau du Dr. Matthieu est fermé, je n’ai nulle part où aller.
Je me souviens. C’est le livre qui a tout déclenché. La paranoïa, la fuite, le fait de errer d’un bout à l’autre de la ville… C’était le livre. Dans mes délires fantomatiques, j’avais fini à la bibliothèque et je m’étais retrouvée nez à nez avec cet ouvrage — Mères-filles: une relation à trois. Par curiosité, je l’ouvrai. Je m’étais dit que ça ne ferait pas de mal de le feuilleter. J’avais tort.
“L’enfant prodige est clivé entre petitesse et grandeur, haine et amour de soi, intériorité de l’être et extériorisation par le faire, obscurité d’une souffrance secrète et lumières d’une gloire vainement offerte. Tel est en effet le destin de la fillette lorsque sa mère, oublieuse de sa propre identité de femme, l’a chargée de réaliser ses aspirations à sa place.” ²
En survolant les pages, c’est comme si le reste du monde s’était dérobé sous mes pieds. J’avais l’impression d’être observée. “Ce besoin d’amour ne peut jamais être comblé parce que les marques de sollicitude ne s’adressent jamais réellement à l’enfant.”
C’était une blague, n’est-ce pas? Quelqu’un l’avait laissé là, le bouquin, juste pour se foutre de moi?
[Maria, du film Bellissima] serait sans doute devenue une jeune fille brillante [s’il elle avait eu un don particulier] mais néanmoins, toujours avide de satisfactions narcissiques, alternant périodes d’excitation et de dépression, de suractivité et de passivité, toujours désireuse de plaire mais généralement peu aimée, probablement boulimique en même temps que soucieuse de sa ligne, affectivement immature autant que sexuellement très avertie.” ³
De là, quelque chose a craqué à l’intérieur de mon crâne. J’ai vu la vérité. J’étais dans l’œil du cyclone, très sereine tout à coup car tout m’est apparu comme une puissante révélation, avec une seule issue possible: la fuite ou la mort.
Pensez à Raiponce, qui n’a jamais touché au réel, même du bout des doigts. Faute de savoir de quoi il est fait, elle a imaginé un monde. Et dans ce monde-ci, tous les personnages de l’histoire lui veulent du mal. Et elle a raison, parce que sa sans voix à elle, chacun est libre de mettre des mots dans sa bouche qu’elle n’a jamais voulu. Mais la question qui libère au fond, ce n’est pas: Qui m’aime, réellement? Et qui prétend depuis toujours?
C’est plutôt: Qui a le plus à gagner si Raiponce reste dans sa tour?
“MARIA (à sa mère) — : Tu sais ce qui m’aiderait en fait? Que tu m’aimes moins.” —
¹ , ² , ³ : Mère-fille: une relation à trois, C. Eliache , N. Heinich (2010), Albin Michel — “Quand des femmes se retrouvent (...), de quoi parlent-elles ? N'en déplaisent à ces messieurs, de leurs mères. C'est ce que soutiennent Caroline Eliache et Nathalie Heinich dans leur ouvrage consacré à la relation mères-filles.”
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