Antigone
Jean Anouilh
1944
Langue originale: Français
Genre: Théâtre
Réécriture moderne de la tragédie antique de Sophocle.
Antigone est la fille d’Œdipe et de Jocaste, souverains de Thèbes. Après la disparition de ses deux parents, les deux frères d’Antigone — Éteocle et Polynice — se sont entretués pour le trône. Créon, oncle d’Antigone, devient roi et décide de n’offrir de sépulture qu’à Éteocle, et non à Polynice, qu’il qualifie de traître. Il avertit par un édit que quiconque osera enterrer le corps du malfrat sera puni de mort. Personne n'ose braver l'interdit et le cadavre de Polynice est abandonné au soleil, à la merci des charognards.
Seule Antigone refuse cette situation. Malgré l'interdiction de son oncle, elle se rend plusieurs fois auprès du corps de son frère et tente de le recouvrir de terre.
Antigone est prise sur le fait par les gardes du roi. Créon est obligé d'appliquer la sentence de mort. Après un long débat avec son oncle sur le but de l'existence, celle-ci est condamnée à être enterrée vivante. Mais au moment où le tombeau va être scellé, Créon apprend que son fils, Hémon, fiancé d'Antigone, s'est laissé enfermer auprès de celle qu'il aime. Lorsque l'on rouvre le tombeau, Antigone s'est pendue avec sa ceinture et Hémon, crachant au visage de son père, s'ouvre le ventre avec son épée.
Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone.
Antigone, c'est la petite maigre qui est assise là-bas,
et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle pense.
Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure,
qu'elle va surgir soudain de la maigre jeune fille noiraude er renfermée
que personne ne prenait au sérieux dans la famille
et se dresser seule en face du monde,
seule en face de Créon, son oncle, qui est le roi.
Elle pense qu'elle va mourir,
qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait bien aimé vivre.
Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone
et il va falloir qu'elle joue son rôle jusqu'au bout…
ISMENE (Sœur d’Antigone. Par peur, elle refuse de la suivre pour enterrer leur frère)
Tu n'as donc pas envie de vivre, toi?
ANTIGONE
Pas envie de vivre... Qui se levait la première, le matin, rien que pour sentir l'air froid sur sa peau nue? Qui se couchait la dernière seulement quand elle n'en pouvait plus de fatigue, pour vivre encore un peu de la nuit? Qui pleurait déjà toute petite, en pensant qu'il y avait tant de petites bêtes, tant de brins d'herbe dans le pré et qu'on ne pouvait pas tous les prendre?
CRÉON : La vie, ce n'est peut-être tout de même que le bonheur.
ANTIGONE : Le bonheur...
CRÉON : Un pauvre mot, hein?
ANTIGONE : Quel sera-t-il, mon bonheur?
Quelle femme heureuse
deviendra-t-elle, la petite Antigone?
Quelles pauvretés faudra-t-il qu'elle fasse elle aussi,
jour par jour, pour arracher avec ses dents
son petit lambeau de bonheur?
Dites, à qui devra-t-elle mentir, à qui sourire,
à qui se vendre?
Qui devra-t-elle laisser mourir en détournant le regard?
